“Hoooo… viva l'Algérie…” a déchiré le ciel constantinois en cette quarantième minute, quand Yahia Antar a signé, de son pied d'or, le laissez-passer pour l'Afrique du Sud. Les cris de joie des jeunes et moins jeunes, installés chez eux devant leurs TV ou dehors devant les écrans géants disséminés dans les quartiers de la ville aux Sept ponts, mélangés aux youyous des filles de Sidi Rached, ont rompu un silence qui régnait dans la cité depuis le début de cette rencontre Algérie-Egypte. Et puis le moment tant attendu, quand l'arbitre du match annonça la fin d'une partie remportée magistralement par le onze algérien, est venu. Tout Constantine est sortie dans la rue. Hommes, femmes, enfants et vieux ont investi la chaussée pour exprimer la joie de la victoire arrachée et même de la dignité retrouvée pour certains, ceux et celles qui n'ont pas admis que, l'espace d'un jeu, certains Egyptiens fassent de la surenchère… patriotique. Que ce soit à Djebel El-Ouachch, Ziadia, Mansourah, la Bum, Oued El-Had Daksi ou à la nouvelle ville, dans la vieille ville, au Khroub, à Aïn Smara et dans tous les coins du pays de Massinissa, le guerrier en chef de ce peuple berbère, la foule a formé une seule masse où sexes, âges et conditions sociales ont été dilués pour ne donner, au final, qu'un seul produit : “L'autre Algérie” et ce, grâce à la magie foot. Une heure après, la masse saoule de joie et de fierté envahira la place du 1er-Novembre, symbolique cœur de la ville, pour se l'approprier. Une fois l'excès de l'adrénaline consommé, les jeunes et moins jeunes sont retournés chacun dans son quartier pour continuer la fête avec des disc-jockeys installés dès l'après-midi. Hier, il a fait beau à Constantine ; le plus haut pont, celui de Sidi Mcid, a été illuminé de mille feux. Le monument de la victoire ailée, surplombant le CHU Ibn-Badis, a pris les couleurs nationales, le vert comme cet espoir donné aux jeunes, le blanc comme le pardon de ces Algériens blessés dans leur amour-propre, mais qui, une fois sur le podium, n'ont prononcé aucun mot dépassé contre l'adversaire, et le rouge comme le sang qui a scellé, depuis des siècles, les éléments de notre identité. Hier, la nuit a été longue à Constantine, enfantant le plus beau jour jamais vécu depuis l'été 1962. Les femmes de la cité aux quarante saints donneront, ce jeudi, une grande zerda. En effet, la pâte de datte était déjà absente des étals des commerces depuis avant-hier à midi. En cette journée ensoleillée, une printanière en ce mois de novembre, les Constantinoises avaient anticipé la victoire et le menu de la table festive était déjà arrêté, soit les fameuses “bradj”. C'est dire que l'Algérie, c'est aussi un berceau de la culture et de l'art de vivre.