Les prix demandés sont certes chers, mais ils ne sont établis qu'en étroit rapport avec le coût des aliments du bétail. “La nourriture du cheptel est particulièrement coûteuse !'” Vendredi 20 novembre. Nous sommes à une semaine de l'Aïd el-Adha. Au souk de Mesra, l'un des plus gros marchés de la région ouest, situé à moins de dix minutes de la ville de Mostaganem, il était difficile de se frayer un passage à travers l'immense “aile'' réservée au bétail, essentiellement constitué d'ovins. Il y a quelques vieux, à l'apparat de maquignons ou d'éleveurs manifestement professionnels, mais la plupart des revendeurs sont des jeunes, voire des adolescents, qui tiennent énergiquement leurs bêtes, en lots à quatre têtes, dans l'attente frénétique de l'acheteur qui propose la meilleure offre. La moyenne des prix oscille aux alentours des 24 000 DA. Un plafond qui, par rapport à l'an passé, a été propulsé d'une fourchette de 5 000 DA à un million de centimes, vers le haut, de plus en plus inaccessible à la bourse du commun des citoyens, reconnaissent les habitués du souk. Un cours que chacun justifie à sa manière. Selon les intérêts de l'un ou de l'autre, les avis divergent. Abdallah, ce maquignon “professionnel et à plein temps”, tient à préciser, arguments à l'appui, que les prix demandés sont certes chers, mais ils ne sont établis qu'en étroit rapport avec le coût des aliments du bétail. “La nourriture du cheptel est particulièrement coûteuse !” justifie-t-il. “C'est une affaire d'alimentation, devenue trop chère. Le quintal d'orge ne coûte pas moins des 2 500 DA. Le concentré pour ovin fait 3 500 DA, sinon plus !” enchaîne un vieux fellah apostrophant notre conversation. À quelques jours de l'Aïd el-Adha, la propagation de la blue tongue à Mostaganem, confirmée par les services vétérinaires de la wilaya, a fini par accentuer la perturbation du marché du bétail, notamment celui des ovins. Conséquence directe et manifeste du désarroi, la clientèle qui, à pareille époque, faisait preuve d'une frénésie particulière quant à l'achat, plusieurs jours, voire semaines à l'avance, du bélier ou de l'agneau destiné au sacrifice, s'est montrée plus réticente cette fois-ci en préférant patienter jusqu'au dernier moment. Dans les souks hebdomadaires, les maquignons et la plupart des éleveurs préfèrent occulter ce fléau advenant au mauvais moment, à l'effet de se “débarrasser” de leur cheptel avant qu'il ne soit trop tard. Avec une quarantaine d'années de métier, et en parcourant tous les marchés à bestiaux de la région, du Tell aux hauts-plateaux, Djelloul semble bien placé pour “théoriser” en matière de cours de l'ovin. “Les prix oscillent aux alentours des 24 000 DA, alors qu'ils n'excédaient guère les 18 000 DA l'an dernier. Plusieurs facteurs expliquent cette hausse. Le premier élément est le climat, ou plutôt la bonne pluviométrie. On ne doit pas oublier que cette saison, la pluviosité a été particulièrement abondante au niveau de la steppe qui abrite le gros lot du cheptel ovin national. Une situation qui a favorisé l'abondance des pâturages, tout en incitant les gros éleveurs à garder davantage leurs agneaux, au lieu de s'en débarrasser prématurément, comme durant les saisons de sécheresse et de disette. Une réaction légitime, mais dont la conséquence s'est traduite par une offre moindre au niveau des souks. Le deuxième élément tient aux prix élevés de l'aliment du bétail. Un aliment concentré formulé à base de tourteau de soja, de maïs, et de CMV, 3 composants importés au prix fort. Ce concentré qui, 3 ans auparavant, valait 1 800-2 000 DA a atteint le pic des 4 000-4 500 DA/quintal. Cette année, il fait 3 300 DA. Ajoutez à cela les autres charges, de foin, paille, médicaments et autres frais de transport, et vous vous rendrez compte de ce que supporte l'éleveur. De métier évidemment. Le troisième facteur est l'avènement de ce fléau de la langue bleue. Pour se rattraper dans la récupération du cheptel mort, le fellah cherche à augmenter les prix des animaux qu'il propose à la vente. Il y a également l'intromission d'une foule d'intermédiaires spéculateurs et des revendeurs occasionnels dans le circuit. En prélevant leurs parts de bénéfice, ils enchérissent le produit. Entre l'éleveur et le consommateur, ils s'emparent de quelque 5 000 à 10 000 DA/tête, net de taxes, et sans avoir passé la moindre nuit blanche pour veiller au bon état de son troupeau !”