Chaque année, le Festival de Cannes célèbre un cinéaste africain. Parmi les tout derniers à avoir eu cet honneur figurent le Malien Souleymane Cissé et le regretté Sénégalais Sembène Ousmane. Cette année, c'est plus qu'une place d'honneur, mais celle de compétiteur dans la plus convoitée section du plus prestigieux festival du monde, que l'on a offert au cinéaste tchadien Mahamet-Salah Haroun succédant ainsi au Burkinais Idrissa Ouedraogo, réalisateur de Kini et Adams, qui a fait partie de la cuvée cannoise de 1997. Après Abouna (2002) et Daratt (2006), le réalisateur représentant l'Afrique à Cannes signe un Homme qui crie n'est pas un ours qui danse, qui explore les maux de l'Afrique, et ce, à travers l'histoire d'Adam et son fils Abel. Le premier est un ancien champion de natation qui travaille comme maître-nageur dans un hôtel de luxe à N'Djamena. Au moment où il perd son poste au profit de son fils, et pour alléger les pressions de l'armée qui lui réclame des signes d'allégeance, il décide de donner sa progéniture au gouvernement. Au-delà de l'orgueil du père et l'ambition du fils, c'est l'amère réalité de l'Afrique faite de guerre, de sécheresse et de précarité qui se décline. Le film s'ouvre sur un plan montrant un père et un fils dans une piscine plantée dans un décor paradisiaque : un hôtel touristique géré par une Chinoise. Un plan qui énonce toutes les dichotomies que le cinéaste se propose de traiter : père/fils, eau/sécheresse, guerre/paix, Afrique/mondialisation et cinéma/réalité. Tous ces éléments paradoxaux constituent la triste et complexe réalité de l'Afrique. La force du film réside dans le fait de ne pas privilégier un aspect sur un autre, mais de les présenter comme imbriqués et dépendant l'un de l'autre. Par ailleurs, la guerre évoquée subtilement à travers la radio, des va-et-vient des militaires qui rentrent dans les plans presque par effraction, le déplacement des populations, restent un élément omniprésent dans le film. Sur le plan cinéma, on retrouve un excellent travail sur la photographie. Le réalisateur se donne un malin plaisir à jouer avec les lumières et les espaces. Certainement, une manière de travailler le lien entre le cinéma et la réalité filmée. Bien que l'Homme qui crie recèle des qualités, il n'en demeure pas moins qu'il pèche par son scénario qui traduit faiblement l'idée de départ qui rappelle étrangement la Maison jaune de l'Algérien Omar Hakkar. Les plans fixes de longues durées permettent certes de poser le regard sur les visages émotionnés et paysages contrastés, et de mieux saisir une réalité qui se dérobe ou que la psyché évite à cause de sa dureté, mais quand l'histoire ne présente que des nœuds faibles, le spectateur s'évade et renonce. Un renoncement que l'on ne peut se permettre quand l'on est en lice pour la Palme d'or. Quoi qu'il en soit, on ne peut guère dire que l'Afrique a raté son retour puisque le film se présente sous des apparats d'ambitieux. .