Dans les camps, on croit de moins en moins aux promesses du ministre de l'Intérieur. De toute façon, pour ces habitants, l'hiver est déjà là. Hier, la pluie était au rendez-vous dans les camps de toile des sinistrés de Boumerdès, avec son lot d'angoisse, de stress et de colère. Beaucoup de familles, dont les habitations ont été classées au “rouge” (constructions démolies) et à “l'orange 3 et 4” (habitations affectées qui exigent de gros travaux), sont toujours sous les tentes. “On nous dit que la priorité est au rouge, pourtant rares sont les familles qui ont quitté leur guitoune jusqu'à maintenant. En tout cas, huit familles seulement sont parties de ce camp pour être installées dans des chalets au Figuier”. Ce constat a été fait par un des occupants du camp de la cité des 1200-Logements, qu'on a rencontré à l'entrée du petit stade. Selon lui, “tout va au ralenti” dans le chef-lieu de la wilaya de Boumerdès, que ce soit l'évacuation vers les chalets ou la réalisation des travaux de confortement. “J'habite au bâtiment 72 qui est classé à l'orange 4. L'entrepreneur m'a demandé de patienter encore trois mois, ce qui veut dire que le logement ne pourra être réoccupé qu'en février, si les délais sont bien sûr respectés”, a déclaré ce père de famille, en montrant du doigt le cadre dont lequel il vit avec sa famille. Une tente posée sur un sol portant encore les traces d'une inondation récente et renforcée par des couvertures, ainsi que par plusieurs mètres de nylon. Non loin de là, se trouvent d'autres tentes avec le même décor désolant, submergé par des tas d'ordures. Au camp de l'oued Tatareg, situé en face du marché de la commune, la déprime est présente. Ici, on ne croit pas tellement aux promesses des dirigeants et encore moins à celles, plus récentes, du ministre de l'Intérieur. “Zerhouni vient en clandestin à Boumerdès ; il n'a jamais cherché à se rapprocher des sinistrés. Je veux bien croire à la fin du calvaire avant décembre, comme le ministre l'a déclaré ce matin à la radio, mais la réalité du terrain est tout autre”, nous a confié une des “locataires” du site, avant d'exposer ses doutes. Selon elle, seulement 15 familles viennent d'être affectées dans des chalets, le reste, plus d'une centaine de ménages, est toujours dans le camp de Tatareg. “Je ne vois pas comment on va loger tout ce beau monde dans des chalets avant le mois de décembre, alors que des travaux d'aménagement sont menés, certes lentement, pour faciliter l'écoulement des eaux vers l'oued”, a-t-elle affirmé. Et d'ajouter aussitôt : “Il se pourrait que Zerhouni ait parlé seulement des habitations classées rouge. Il en est capable. Si c'est le cas, les familles classées à l'orange seront alors les grandes victimes”. Dans le même camp de toile, des personnes approchées nous ont parlé du transfert de certaines familles vers d'autres tentes, car celles qu'elles occupaient jusque-là ont été inondées début octobre ou vendredi dernier. Elles nous ont aussi fait part de leur opposition ferme au “couffin du ramadhan”, qui s'est concrétisée par l'envoi d'une pétition au wali. “Les autorités font semblant de ne pas comprendre que ce qui nous préoccupe le plus est d'avoir un toit pendant ce mois sacré et pendant l'hiver. On n'a pas besoin de leur chorba, ni de leurs couvertures, ni de leurs pains. Les familles classées à l'orange ne peuvent pas monter dans leurs appartements, car il n'y a plus d'escaliers, plus d'eau, plus d'électricité. Certaines cherchent même une location, mais en vain… On est en train de mourir à petit feu”, s'est écrié un jeune homme. “S'ils veulent la guerre et les émeutes, ils les auront bientôt, s'ils nous gardent toujours dans ces camps de malheur”, a-t-il ajouté, en notant par la suite que des citoyens, non habitués à vivre “à la belle étoile”, souffrent de rhumatisme, d'angine et de grippe. Aux camps de toile de Naftal et de la Sonatrach, des sinistrés sont persuadés qu'ils passeront l'hiver sous la tente. Certains craignent même que le président de la République, qui a été mal reçu dans la ville de Boumerdès au lendemain du séisme du 21 mai 2003, “se venge” d'eux. D'autres, en revanche, s'accrochent à l'idée que l'élection présidentielle pourrait éventuellement s'avérer profitable pour les sinistrés et pourrait ainsi les délivrer de cette précarité. Il n'empêche, tout le monde s'arme de “pragmatisme” et se prépare à affronter un hiver rigoureux, au cas où les choses stagnent, en construisant des tranchées devant les tentes, en aménageant une petite cour protégée par une bâche ou du nylon, en recouvrant celle-ci de ciment ou de cailloux. H. A. Rue Mahmoud-Khelili à Belcourt Le désarroi des locataires du 22 Alors qu'il était classé rouge au lendemain du violent séisme du 21 mai dernier, l'immeuble sis au 22, rue Mahmoud-Khelili fait, cependant, l'objet de travaux de confortement et de réfection. Le chantier a été ouvert sur les lieux après avoir reclassé le bâtiment orange. Cet immeuble, abritant 10 familles, devait être démoli, de l'avis des locataires qui nous ont exprimé leurs inquiétudes face au danger qu'ils vivent au quotidien : “Nous attendons l'écroulement de notre bâtisse d'un jour à l'autre, s'il y a une autre secousse comme celle du 21 mai, notre immeuble se transformera en ruines.” “Le dossier d'expertise de l'OPGI, disent-ils, fait ressortir que la bâtisse mérite un rouge, donc cela implique sa démolition, mais l'Ofares a jugé autrement en prononçant le verdict orange, ce qui sous-entend d'engager des travaux pour ne pas être dans l'obligation d'affecter des logements aux sinistrés du 22, rue Mahmoud-Khelili. En fait, ils ne cherchent pas notre sécurité.” Sur les lieux, des ouvriers s'attelaient à refaire le plancher et les murs de séparation de l'appartement n°1. La famille occupant cet appartement s'est réfugiée dans une cave en attendant qu'on termine leur logement. Par ailleurs, les familles disent qu'elles n'ont pas bénéficié de tentes comme le reste des sinistrés. Du côté de l'APC, la question des sinistrées est prise en charge, nous indique-t-on, par les services concernés. Pour ce qui est des sinistrés du 22, rue Mahmoud-Khelili, le P/APC indique que ses services n'ont pas été sollicités par ces derniers. Quant au micmac qui a entouré le verdict ayant suivi le diagnostic des experts, il affirme ignorer les résultats du CTC. “Les rapports du CTC sont remis à l'Ofares, à la wilaya et à la direction du logement”, nous a-t-il encore indiqué. R. H.