Le monde commémore la tragédie du 11 Septembre 2001. En Algérie aussi, la catastrophe des Twin Towers suscite rappels, questions et analyses : nous ne pouvions pas être en reste dans le souvenir de l'attentat le plus spectaculaire et le plus meurtrier de l'histoire du terrorisme islamiste qui a frappé la plus grande puissance de la planète. La nature des moyens engagés, la symbolique des cibles visées, la gravité du bilan humain, l'identité de la puissance attaquée, l'impact politico-militaire, la présence de caméras et le destin médiatique de la tragédie ont fait qu'il y eut un avant 11 Septembre et un après-11 Septembre. Si, donc, il ne peut en être autrement que de revisiter cet instant où des milliers de vies, mais aussi beaucoup de certitudes et de convictions basculèrent, il est bon de se rappeler que, pour nous Algériens, il ne pouvait y avoir d'avant 11 Septembre : du point de vue sécuritaire, ce jour-là n'est pas venu interrompre une époque de tranquille félicité. L'attentat de New York est venu juste rappeler, après d'autres ailleurs, que, depuis dix ans déjà, le terrorisme islamiste avait fait de l'Algérie son objectif préliminaire mais que celle-ci n'en était pas la cible exclusive. En 2001, l'Algérie avait déjà connu ses 11 Septembre à répétitions. Dès août 1997, le village de Raïs dans la Mitidja subissait l'indicible massacre : des centaines de citoyens, hommes, femmes et enfants, vieux et jeunes, sont décimés. Qui pourra dire combien ils étaient à périr en une nuit ? Ou dans la nuit du 22 au 23 septembre suivant, non loin de là, à Raïs. Depuis 2006, on sait que le nombre de victimes est toujours minoré par les bilans officiels : en reconnaissant enfin que la tuerie de Ramka-Had Chkala, près de Relizane, a fait près de mille victimes, toutes égorgées dans la nuit du 3 janvier 1998, Ouyahia ajoutait ceci : “Nous avons caché la vérité parce qu'on ne dirige pas une bataille en sonnant le clairon de la défaite. Ceux qui commettaient les massacres collectifs ne le faisaient pas pour massacrer, mais pour faire lever la communauté internationale contre nous”. Bien plus tôt, en janvier 1995, un kamikaze s'explosait avec sa voiture devant le commissariat central d'Alger, faisant quarante morts et des centaines de blessés. Il n'y a pas d'après-janvier 1995, puisque Anouar Haddam, a pu, quelques jours après l'hécatombe, revendiquer cet attentat à partir… des états-Unis où il était “réfugié”. Le monde a attendu le Pearl Harbour du terrorisme islamiste pour convenir de l'universalité de la menace terroriste et que donc ce qui se passe en Algérie pourrait relever de ce mouvement. Trop tard, l'Algérie ne pouvait plus exploiter les révisions stratégiques auxquelles le 11 Septembre 2001 avait contraint le monde : elle était déjà dans l'après-avril 1999 ! Elle vivait — et vit encore — dans une “paix” magique où il est question, non plus de terrorisme, mais d'“égarés” qu'il s'agit de ramener dans la société. Même si l'Algérie se montre dévouée dans la cause de la lutte contre le terrorisme… international — 11 Septembre oblige — pour l'après-avril, c'est déjà une décennie d'impunité et d'empressements politiques et financiers censés “raisonner” le terrorisme islamiste. C'est une décennie de négation d'un terrorisme revigoré et qui, régulièrement, fait la démonstration de sa meurtrière résurgence. M. H. [email protected]