RESUME : Ferroudja était convaincue que Krimo serait un bon père pour Farid. Même si la vie ne l'a pas gâté, il était sorti plus fort de toutes les épreuves passées. Ce soir-là, elle ne dormit pas. Elle sortit de la maison aux aurores. Elle alla voir Krimo. Elle devait tout lui dire maintenant. Elle ne tenait pas à ce que ce soit Rabah. Qui sait s'il n'aurait pas menti uniquement pour semer la zizanie entre eux ? Ferroudja s'était tue un moment, pour essuyer ses larmes. Tous ses souvenirs la remuaient. Elle se ressaisit avant de poursuivre. - Alors, il ne me croyait pas. Il savait que je voulais divorcer pour pouvoir te retrouver. A notre mariage, il ignorait tout de notre histoire. Il fallut qu'il parte sur Alger pour que des rumeurs lui parviennent. Nous avons commencé à nous quereller… quand je le pouvais, je partais de chez lui… Parce qu'ils avaient des commerces communs, ils refusaient toute idée de divorce. J'ai eu une fille deux années après la naissance de Farid… Quand père mourut dans un accident, je n'hésitais plus et quittais mon foyer. J'ai pu divorcer. Mon ex-mari ne voulut pas de Farid, parce qu'il avait des doutes. Comme tu le sais, j'ai été reniée. Et comme je n'avais rien, ni argent ni où vivre, je n'ai pas hésité à confier Farid à Zohra et son mari, les meilleurs amis de ma défunte mère. Aujourd'hui, ces derniers l'aiment trop pour envisager de se séparer de lui ! - Il porte le nom de ton premier mari ? Ferroudja hocha la tête. - Pourquoi m'as-tu parlé des doutes ? - Je ne voulais pas que cela soit Rabah qui le fasse, dit-elle. Peut-être qu'il t'aurait menti, juste pour que tu te détournes de moi… Tu comprends ? - Je vais récupérer notre fils… Je ferai tout pour lui ! Mais, en premier, on se mariera ! Ferroudja fut bien heureuse ce jour-là. Elle réalisa qu'ils venaient de se retrouver pour de bon et qu'ils n'avaient plus de secrets l'un pour l'autre. Ils n'avaient plus rien à craindre de la vie. Les épreuves à venir, ils les affronteront ensemble. Comme elle s'y attendait au cours de la journée, Rabah vint chez elle. Il voulait l'adresse de Krimo. - Je dois lui parler. C'est urgent ! Elle lui fit signe de s'asseoir. - Il va arriver d'une minute à l'autre ! Vous pourrez discuter ici. Quoi que tu aies à lui dire, je peux l'entendre ! Krimo arriva peu de temps après. Il ne sembla pas surpris de le trouver. - Allons discuter dehors ! Tous deux en avaient envie. Krimo ne voulait pas que Ferroudja entende les propos de Rabah. Dans sa colère refoulée, il pourrait être odieux. Si elle avait pris les devants en venant tout lui raconter, c'était qu'elle ne lui faisait pas confiance. Mais Rabah ne dit rien de mal sur elle. Il alla droit au but. - Farid est mon fils et vous ne pouvez pas bouleverser sa vie comme ça ! - Il est mon fils ! Ferroudja et moi allons nous marier et le prendre avec nous ! - Rien ne prouve qu'il soit à vous ! Krimo secoua la tête. - C'est possible. Pour en être certain, nous allons faire un test ADN… S'il est de moi, il faudra vous faire une raison ! Et même si nous faisons notre vie, rien ne l'empêchera de vous voir quand il le voudra ! Je comprends votre attachement. Douze ans, c'est long, pour vous qui l'avez élevé et pour moi qui voudrais rattraper le temps perdu ! Comprenez-moi, je n'ai rien contre vous ! Mais je ne peux pas renoncer à lui ! - Pensez à notre peine ! Maalich, allez vous marier, vous aurez d'autres enfants, dit Rabah, le regard larmoyant. - Non… Ce que vous me demandez relève de l'impossible ! Si je lui tourne le dos maintenant, je ne pourrai jamais plus me regarder dans une glace ! Acceptez les choses, ce sera plus simple pour nous tous ! Farid, vous le verrez quand vous le voudrez, il vous rendra visite quand vous le souhaiterez ! Rabah partit le dos rond, le poids de sa peine pesait sur ses épaules. Krimo n'y était pas indifférent, mais tout ce qui comptait maintenant, c'était Ferroudja et leur fils. Ils firent un test de paternité, et là, Krimo eut la certitude qu'il s'agissait bien de son fils. Quelques jours après, ils se marièrent. Rabah était revenu à de meilleurs sentiments. Lui et sa femme vinrent à la petite réception donnée ce jour-là. Ils étaient enfin réunis. Farid commençait à connaître son père. Il adorait lorsqu'il lui racontait ses histoires. Même si elles finissaient souvent mal, il était attiré par l'étranger. El ghorba… - Pourquoi on n'irait pas vivre là-bas ? Fel ghorba kheir… Ferroudja qui ne semblait pas désapprouver l'idée de leur fils lui demanda ce qu'il avait fait de ses papiers. - Je les ai toujours, répondit-il. Pourquoi ? - Rien ne nous retient ici ! Emmenons-le vivre où il veut ! On aura un œil sur lui, dit-elle. Tu seras là pour le guider, lui ouvrir les yeux sur les dangers de la vie ! Tu nous protégeras… - Je n'y ai pas été heureux. La solitude a été ma compagne et… Ferroudja le rassura. - Cette fois, tu ne seras pas seul ! Et si nous ne l'emmenons pas, il finira par partir une fois qu'il en aura les moyens. Tu ne voudrais pas qu'il devienne un harrag ? l'avertit-elle. Tu ne voudrais pas que cela arrive ? - Non. Le jour où ils partirent, Krimo eut la sensation d'être transporté quelques années en arrière. Pourtant, il n'y retournait pas pour y vivre des aventures, mais pour permettre à son fils d'avoir la chance qu'il n'avait pas eue. La solitude et l'ennui n'existaient pas pour lui. Ferroudja et Farid le comblaient de bonheur. Jamais il n'aurait cru qu'en rentrant au pays, parce que la misère et la solitude l'avaient mis à genoux, qu'il retrouverait son amour de jeunesse et la sérénité dans sa vie. Fin A. K.