Résumé : Nazim avait échappé au coup de bistouri ravageur de Dr Lyès. Il comprit enfin les raisons de ce dernier et son insistance à lui enlever les pansements dans son cabinet particulier. Un geste que réservait le médecin à ses patients particuliers. Cependant, le médecin ne semble pas avoir terminé. Il met les mains dans ses poches et voyant que les deux jeunes gens gardaient le silence tout en attendant une suite, il poursuit : - Eh bien je pense que j'ai perdu cette partie. Peut-être qu'en contrepartie je vais gagner autre chose. De la reconnaissance par exemple. - De la reconnaissance ? - Oui, jeune homme. Certes je me suis conduit comme un imbécile et je me suis laissé emporter par des illusions. Mais je sais reconnaître mes torts et redresser la barre au bon moment. Je me suis surpassé pour vous redonner à tous les deux un visage. Je peux tirer une satisfaction incommensurable à chaque fois que je vous verrai ensemble et si bien assortis. Je… j'avais pensé que les menaces allaient apporter un résultat… Une honte pour moi. Je voulais juste retrouver une nouvelle jeunesse… pas une jeunesse physique, celle-là j'aurais pu me la fabriquer, mais disons plutôt une nouvelle vie… Un nouveau souffle. Hélas ! Cette jeunesse-là personne ne pourra la reconquérir. Nous sommes les esclaves du temps et nous le resterons à jamais. Même si notre physique a été mille et une fois corrigé et rajeuni. Il soupire avant de continuer : - Après une longue carrière et une vie bien pleine, je me surprends à jouer aux adolescents et aux amoureux transis… Non… Rendons à César ce qui lui appartient… Ma vie est derrière moi. Et les années ou les jours qui me restent à vivre je vais devoir les vivre ici même dans cette clinique, auprès d'autres patients qui, comme vous, viendront me supplier de leur redonner un visage et des traits qui exprimeront les joies et les chagrins de leur âme. Mon devoir s'arrêtera là. J'ai déjà reçu ma dose de bonheur en ce monde… La solitude ou l'ennui ne pourront m'atteindre si je sais les gérer à distance. Et Dieu seul sait si je ne les ai pas déjà gérés. Il passe une main dans ses cheveux : - Je suis heureux de constater que j'ai tout de même tenu à ma parole. Nazim, tu es devenu le bel homme que tu étais. Peut-être que tu n'es pas encore toi-même, mais le temps s'appliquera à te redonner ce plus qui te manque encore. Un jour tu oublieras même cette phase noire de ton existence où tu errais comme une âme en peine dans un labyrinthe à la recherche d'un visage. Beaucoup de patients dans ton cas ont préféré tirer un trait sur leur passé et ont oublié même leur premier visage. Je veux dire leur visage d'origine. C'est ce qui se passera sûrement pour toi. Il se retourne ensuite vers Nedjma et sourit : - Pour toi, c'est encore plus spectaculaire ! Tu es devenue tellement attirante ces derniers temps, que malgré toutes ces femmes qui essayent de me séduire, je n'ai pu résister à te courtiser. Tu es la seule qui a pu remuer en moi un sentiment que je n'ai plus ressenti depuis plusieurs années. J'ai même cru que mon cœur s'était endurci, et que plus jamais je ne connaîtrais l'agréable souffrance de l'amour. Je ne pourrais que te remercier. Oui… Je te remercie de m'avoir fait souffrir et de m'avoir fait sentir que je suis encore en vie. Il ébauche un sourire triste… - Je devrais te demander pardon pour le mal que je t'ai causé, mais… je ne le ferai pas, parce qu'en réalité, je n'ai fait que te bousculer pour te démontrer que la vie vaut toujours la peine d'être vécue, quelles qu'en soient nos peines. Après un naufrage, lorsqu'on touche le fond, on rebondit toujours. Et quand on rebondit, on ne craint plus la noyade, car on aurait appris à nager. (À suivre) Y. H.