Des “retraitables" du ministère des Affaires étrangères ont écrit à Sellal pour lui demander de leur appliquer la réglementation en matière de départ à la retraite. Les employés en question revendiquent, par la même occasion, que la mesure soit étendue à d'autres collègues, “des cadres supérieurs qui continuent d'exercer leurs fonctions à la centrale et à l'extérieur". En d'autres termes, les seniors des Affaires étrangères voudraient que, par principe de justice, le Premier ministre, qui s'apprête à les mettre au repos, appelle aussi Missoum Sbih, ou même Abdelkader Hadjar, ou d'autres encore, que l'âge appelle, pour certains depuis longtemps, à la cessation d'activité. Par le même courrier, le syndicat des personnels des Affaires étrangères réclame d'autres mesures de justice, dont “le principe de l'alternance dans les postes de responsabilité et celui de l'égalité en droits et en devoirs des fonctionnaires". La formule, timorée, pallie le manque d'audace d'un syndicat qui voudrait bien que cessent les affectations arbitraires de postes diplomatiques sur des bases subjectives. Timorés, nos syndicalistes diplomates jusqu'au bout, savent, en effet, qu'en demandant ainsi à Sellal de révolutionner la gestion du personnel diplomatique, c'est un changement dans la nature de l'Etat qu'ils demandent. On n'oblige pas un privilégié du régime au repos quand les postes les plus prestigieux, à l'étranger surtout, sont ainsi conçus comme des planques pour proches gâtés du pouvoir. La villégiature, dorée, il y est déjà, et il ne compte point y renoncer pour aller vivre de sa retraite. La notion de retraite renvoie à une gestion rationnelle des carrières. Celles-ci transitent par des postes qui, eux-mêmes, sont gérés comme autant de fonctions utiles au bon fonctionnement de l'Etat. Toutefois, cette conception de la carrière n'est envisageable que dans un contexte où l'Etat est voué à servir le seul intérêt général. Les institutions développent alors un effort naturel d'optimisation de la fonction ressources-objectif. Or, dans un système rentier, comme le nôtre, le poste est conçu comme instrument de répartition des privilèges. Ce sont les avantages rattachés à cette fonction, et non ses exigences, en termes de profil, qui inspirent le choix de son titulaire. Dans ce cas, il y est, il y reste. Tant qu'il peut y rester. Et celui qui l'a nommé par favoritisme ne va pas le démettre par rationalisme ! Dans cette ambiance, la retraite est utilisée par le décideur comme sanction et ressentie par le sujet de la décision telle. Chacun peut observer, autour de lui, combien la mise en retraite des privilégiés du système est vécue, par ceux-là mêmes qui ont abusé de la longévité rentière, comme une déchéance. De l'autre côté de la décision, le responsable, lui-même, préfère s'entourer de proches congénères et les conserver tant qu'il le peut au lieu de promouvoir une jeunesse naturellement ambitieuse et, d'un certain point de vue, forcément subversive. La longévité aux postes de responsabilité, aux postes de prestige et de privilèges, n'est pas le résultat des seules injustices personnelles ; elle constitue plutôt une condition d'équilibre du système rentier. Et la rectification de cette apparente anomalie ne peut donc dépendre de la bonne volonté d'un responsable, fut-il Premier ministre. Elle reste inhérente au système. M. H. [email protected]