Alors que les 27 avaient déjà montré au mois de novembre qu'ils n'étaient pas capables de surmonter les préoccupations des Etats-Nations qui composent l'Union , les responsables européens viennent encore de présenter au monde leurs divergences sur le budget 2014-2020. La dernière négociation qui vient de se tenir à Bruxelles jeudi et vendredi derniers a été rude. Très rude. Il aura en effet fallu 26 heures de négociations et une nuit blanche pour apprendre, vendredi vers 17 heures, qu'un accord avait, finalement, été conclu... D'un côté, le camp des pays qui veulent dépenser moins, avec notamment les Britanniques en tête suivis par les Allemands. Pour eux, même si le budget de l'Union européenne ne représente qu'un pour cent du produit intérieur brut de l'Europe, il faut appliquer à l'Union la politique d'austérité que connaissent les Etats membres secoués par la crise économique et financière. De l'autre, les pays comme la France ou l'Italie qui souhaitent une politique plus volontariste. Mais , finalement, ce sont les partisans des restrictions budgétaires qui l'ont emporté : alors que les montants avancés par le président Van Rompuy étaient déjà inférieurs à ceux de la Commission avec 973 milliards d'euro d'engagements et 943 milliards pour les dépenses réelles c'est un montant d'engagement de 959 milliards qui a été décidé. En fait, les montants réels mis à la disposition font peau de chagrin. Ils sont ramenés de 943 à 908 milliards d'euro. Ce budget, en baisse de 3% par rapport à l'enveloppe précédente, connaît donc , pour la première fois, une diminution au cours de ces 56 ans... Et le budget qui vient d'être concocté par les plus hauts responsables européens met en évidence les priorités à privilégier jusqu'en 2020. Ainsi, deux axes essentiels de la politique européenne, celui de la Politique agricole commune (PAC) -tant défendue par la France - a été préservée ainsi que les fonds affectés aux régions défavorisées. Un nouveau fonds pour l'emploi des jeunes de six milliards d'euro a même été créé mais la Grande Bretagne de David Cameron a obtenu ce qu'elle voulait : une diminution du budget pluriannuel et le maintien du chèque européen qu'elle perçoit annuellement depuis l'époque de Margaret Thatcher. Ces choix , opérés pour maintenir les deux piliers principaux de la politique de l'Union, impliquent une diminution de 10 milliards d'euros des infrastructures dans le domaine par exemple des interconnexions de réseaux en matière d'énergie, de transports et de télécommunications. L'aide aux plus démunis est aussi diminuée de 40%. Côté recettes, les pays bénéficiant de rabais, le Royaume-Uni en premier lieu, mais aussi l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède, pourront les conserver. Le Danemark obtient également la ristourne qu'il demandait. Vendredi soir, tous les chefs d'Etat et de gouvernement se sont félicités d'avoir pu trouver un compromis. Herman Van Rompuy, le Président du Conseil européen a certes jugé que le budget qui avait été dégagé n'était « parfait pour personne, mais » que « tout le monde y trouvera quelque chose" en notant qu'il avait été « dicté par l'urgence ». Et si, pour la première fois dans l'histoire européenne, un budget pluriannuel est en baisse par rapport à la période précédente, "nous pouvons prouver" que « les dépenses de recherche et développement, les investissements dans les transports et l'énergie, l'aide au développement, l'aide alimentaire aux démunis et les politiques d'emploi des jeunes seront préservées, voire augmentées » a encore noté Van Rompuy. Toutefois, les parlementaires européens grincent déjà des dents or, ils interviennent dans ce dossier et pourraient donc rejeter le compromis arraché à Bruxelles après tant d'heures de négociations ardues. En principe , le Parlement européen, devrait se prononcer sur le budget à bulletins secrets lors de sa session de juillet prochain et il menace déjà de rejeter cet accord . "Si nous poursuivons de la sorte, avec des engagements plus élevés que les paiements réels, nous risquons un déficit budgétaire structurel", a observé le président du Parlement , le socialiste Martin Schultz. Et le nouveau président du groupe parlementaire de centre-droit du Parti Populaire européen (dont sont issus la plupart des Chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne) lui emboîte le pas... Vendredi soir, les quatre principaux groupes parlementaires européens ont même soutenu la thèse de leur président en considérant que le budget qui venait d'être arrêté à Bruxelles allait mener « à un déficit structurel ». Pour eux, pas question de pratiquer une politique d'austérité pendant sept ans... Dans un communiqué commun, le conservateur du PPE Joseph Daul, le socialiste Hannes Swoboda, le libéral GuyVerhofstadt et les Verts Daniel Cohn-Bendit et Rebecca Harms ont fait savoir publiquement que « cet accord ne renforcera pas la compétitivité de l'économie européenne. Au contraire, il ne fera que l'affaiblir ». Et « Ce n'est pas dans l'intérêt des citoyens européens ». Or, sans l'accord du Parlement, le budget ne pourra pas entrer en vigueur. Les eurodéputés pourraient ainsi, dans quelques mois, refuser le budget qui leur est présenté en allant éventuellement, vers une programmation budgétaire annuelle. Les Chefs d'Etat et de gouvernement des 27 ont fait leur choix jeudi et vendredi derniers à Bruxelles en faisant passer pendant sept ans le budget des Européens sous les fourches caudines de l'austérité. Dans quelques mois, il appartiendra aux députés européens de prendre, à leur tour, leurs responsabilités. A.M