Résumé : Yazid venait de heurter une jeune enseignante, qui n'était autre qu'une collègue à Nora. Elle lui apprendra aussi que cette dernière s'était remariée et était partie vivre sous d'autres cieux. Le jeune homme est sidéré par ces révélations... Il se rendit à son bureau l'esprit en ébullition et appelle un ami. Le jeune homme se relève à moitié et le regarde en face : -Je suis aussi mal dans ma peau qu'un naufragé qui cherche un port serein. -Qu'est-ce qui t'arrive donc pour que tu te mettes dans cet état ? Yazid soupire : -Je ne pourrais te raconter tout ça maintenant...D'ailleurs, tu vas devoir me remplacer, car je serais incapable de travailler ou de faire quoi que ce soit aujourd'hui. -Qu'à cela ne tienne. Si ce n'est que le travail qui te préoccupe, tu pourras compter sur moi pour t'aider... Mais tu excuseras mon indiscrétion, car je ne pense pas que ce soit uniquement le boulot qui te rend aussi triste et aussi vulnérable... On dirait que tu viens de recevoir une mauvaise nouvelle. Yazid prend une longue inspiration avant de répondre d'une voix étranglée : -Tu l'as bien dit... Je viens de recevoir la nouvelle la plus accablante que je n'ai jamais reçue. -De quoi s'agit-il donc mon ami... ? Yazid voulut répondre, mais des larmes ruisselèrent sur ses joues, et son corps était secoué de sanglots. Il se prend la tête entre les mains et se met à pleurer à fendre l'âme... Aussi loin qu'elle s'en rappelle, Nora n'avait jamais connu un homme aussi radin, ni aussi suspicieux que Achour. Non seulement il n'achetait que des produits bon marché, mais l'obligeait aussi à vivre de la même manière que lui. C'est-à-dire à manger des repas froids, ou des restes de plusieurs jours, à découper le savon en menus morceaux, à mettre un seul sucre dans son café qui devrait être aussi léger qu'un filet d'eau colorée, et surtout à utiliser parcimonieusement l'eau et l'électricité. Nora ne vivait plus. Elle était soumise à un régime sévère et quotidien qui ne lui laissait aucun répit. Elle avait voulu mettre un peu d'ordre dans le foyer, ou ce qui y ressemblait, mais sans moyens, elle n'y était pas parvenue. En allant faire les courses avec Achour, elle s'était tout de suite intéressée au rayon des produits d'entretien et des détergents. Mais sans lui laisser le temps de prendre quoi que ce soit, son mari lui avait fait comprendre qu'en dehors du morceau de savon qu'elle venait de mettre dans son panier et du paquet de café, elle n'avait le droit à rien d'autre. Elle insistera pourtant pour acheter un flacon d'eau de Javel, qu'il consentira à payer de mauvaise grâce. Qu'allaient-ils donc manger ? Achour lui avait tapoté l'épaule, en lui disant qu'il avait pensé mettre dans ses valises des figues sèches, de l'huile d'olive, des pâtes, des boîtes d'olives et des pots de confiture. Nora était restée bouche bée devant de telles révélations. Elle s'était demandée à maintes reprises ce qu'il pouvait transporter dans cette grande valise usée, à laquelle il avait attaché un cadenas. Elle comprenait mieux maintenant son empressement à préparer lui-même ses bagages et à ne les ouvrir qu'au lendemain de leur arrivée. -Voyons Achour, nous n'allons pas manger ces olives et ces figues sèches à longueur d'année, lui avait-elle dit. -Ma chérie, je suis un paysan de pure souche...Ma vie durant, je me suis nourri des mets de mon bled... Sauf au début de mon exil en France... C'était l'époque des vaches maigres où je me contentais de manger un bout de pain avec du fromage ou même sans... Depuis que j'ai pu remettre la ferme en état, je n'ai cessé de me ravitailler chaque fois que je le pouvais. -Mais nous n'aurons pas assez de victuailles pour tenir jusqu'au prochain voyage... - Je sais ma chérie... C'est pour cela que je te demanderais d'éviter le gaspillage. Moi je ramasse la moindre miette... Je ne jette jamais rien... Je ne mange pas à satiété d'ailleurs, car je dois ménager mon estomac et mes tripes... Il n'y a pas mieux pour garder une bonne santé très longtemps... Nora est sidérée. Cet homme lui avait révélé qu'il était à l'abri du besoin. Mais au rythme où il vivait, il devait rouler sur l'or, sans pour autant en profiter. -Qu'as-tu ma chérie... ? Tu trouves que je suis un peu trop sévère dans la gestion de mes besoins quotidiens... ? -Je n'arrive pas à croire que nous allons manger des figues et des olives... J'aimerais plutôt cuisiner, préparer des plats, acheter de temps à autre du poisson, de la viande, manger des légumes, des fruits frais, etc. -Tu en mangeras. De temps à autre, nous allons rendre visite à la famille... Mes enfants et mes petits-enfants vont sûrement nous inviter à déjeuner ou à dîner chez eux... Ils voudront faire ta connaissance. Comme de coutume, ils vont nous préparer un festin. (À suivre) Y. H. Nom Adresse email