Stratagème n L'homme hoche la tête, satisfait. Mais il mange toujours, sans rien proposer à Djeha qui crie famine. Djeha se promène en rase campagne. Comme d'habitude, il est affamé, et comme il n'a pas un sou en poche, il cherche l'occasion pour se mettre quelque chose sous la dent. C'est alors qu'il aperçoit un homme en train de déjeuner sur l'herbe. Il a devant lui du pain, de la viande, des figues sèches… De quoi mettre l'eau à la bouche de Djeha qui s'assoit près de l'homme. — que le salut soit sur toi ! — et le salut sur toi ! L'homme continue à manger, sans inviter Djeha. Or, dans les traditions, un homme ne peut manger devant un autre sans l'inviter. Djeha est offusqué, mais il ne peut rien dire. L'homme, tout en mâchant énergiquement, interroge Djeha. — D'où viens-tu, toi ? — je suis de ton village ! — ah bon, dit l'homme. Voilà plusieurs mois que je suis absent, alors peux-tu me donner des nouvelles de ma famille ! — bien sûr, dit Djeha. Il sourit. Il pense qu'en lui donnant de bonnes nouvelles, l'homme l'inviterait à partager son déjeuner. — alors, dit l'homme, comment va ma chère femme Aïcha ? — elle se porte comme un charme ! Elle attend avec impatience ton retour ! — et mon fils Ali ? — il joue avec ses camarades aux billes. C'est un enfant charmant ! — et notre vache ? — elle grossit à vue d'œil et elle est pleine… Bientôt, tu auras un joli veau ou une génisse ! L'homme hoche la tête, satisfait. Mais il mange toujours, sans rien proposer à Djeha qui crie famine. — et notre maison ? — elle est protégée comme une forteresse ! — c'est vrai, notre chien Titouh monte bien la garde. L'homme mange toujours sans inviter Djeha. Celui-ci se lève. — où vas-tu ? demande l'homme. — je rentre, les voleurs attaquent souvent le village depuis la mort du chien Titouh. L'homme manque d'avaler de travers. — quoi, mon chien est mort ? — Oui. Ta vache est morte, elle aussi, en mangeant de sa viande ! L'homme est effrayé. — ma vache est donc morte ? Mais de quoi ? — de la peste. ta femme et ton fils en ont également succombé ! L'homme, fou de douleur, se met à courir en direction du village. Djeha, lui, sourit. — parfait ! dit-il. Il se met à manger le déjeuner que l'homme a abandonné. (à suivre...)