Différents arts se sont exprimés tout au long de cette année à Batna, mais c'est sans doute la littérature qui a rencontré le plus de succès. Un libraire, des universitaires et des acteurs culturels tentent de nous expliquer l'intérêt et l'engouement des habitants de Batna pour le livre et la littérature. L'année 2014 a été riche (toutes proportions gardées) sur le plan culturel à Batna. Différents arts se sont exprimés tout au long de cette année, mais c'est sans doute la littérature qui a rencontré le plus de succès, avec notamment le prolongement de "Lire en fête" à la demande du public, le café littéraire dont les membres ne se découragent jamais, le Colloque sur la littérature maghrébine d'expression française qui a rencontré beaucoup de succès, la naissance d'une initiative citoyenne pour la création de la fondation Yamina Mechakra, le Colloque sur le Français langue étrangère, le Séminaire sur la traduction et l'interprétation en tamazight... Malgré toutes les difficultés qui laissent parfois penser que la réalisation de toute activité culturelle relève du défi dans l'arrière-pays, Batna (re)lit. Ses habitants affichent un engouement particulier pour la littérature, et pour les activités culturelles de manière générale. En plus de disposer d'importantes infrastructures culturelles (une école régionale des Beaux-arts, un théâtre régional, un institut régional de musique), Batna a une histoire qui fait que cet engouement ou intérêt est une récolte, le fruit d'un mouvement culturel intense et des initiatives personnelles dans différents domaines. En réalité, les infrastructures sont venues renforcer un potentiel déjà existant et lui offrir un cadre pour s'exprimer. En plus de la bibliothèque de la ville, Batna dispose de l'une des plus grandes et anciennes librairies du pays, la libraire Guerfi, qui existe depuis bien avant l'indépendance. Le désenclavement par la lecture Avec plus de 10 000 titres dans différents domaines et langues, l'établissement n'a pas changé de vocation et reste un lieu agréable situé en plein centre ville, où les citoyens viennent consulter les rayonnages, sans forcément acheter. Et c'est justement ce petit tour dans le monde du livre qui existe encore à Batna et qui est maintenu et encouragé. Pour Rédha Guerfi, propriétaire et gérant de la librairie "c'est vrai qu'il y a une vie culturelle, aussi modeste soit-elle. Nous faisons de notre mieux pour la maintenir et l'élargir". Il rappelle, à ce propos, les ventes-dédicaces qui ont été organisés, notamment celles d'Ahlem Mosteghanemi qui a dédicacé plus de 1 000 livres en un jour, de Nassira Belloula, et de Massa Khadidja, auteure du dictionnaire trilingue (arabe, tamazight, français), épuisé aujourd'hui. "Il n y a pas l'ombre d'un doute, il y a l'envie de lire, nous devons prendre en charge cette demande, sachant que la chaîne de l'édition est défectueuse", constate-t-il. L'autre intéressante proposition de la libraire est "les cartes fidélité". Pour lui, "le nombre de lecteurs ne cesse de grimper. La plus forte demande vient des zones rurales et des villes limitrophes, les cartes l'indiquent bien". Quant aux auteurs qui sont le plus demandés, M. Guerfi nous apprend que ce sont Al-Jahiz, Jibran Khalil Jibran et Benheddouga qui reviennent souvent en langue arabe. Pour ce qui est de la langue française, Albert Camus et Kateb Yacine semblent incontournables, et plus récemment Kamel Daoud est très demandé. La lecture littéraire : constat positif Des professeurs, enseignants, animateurs sont unanimes : les événements autour du livre et de la lecture profitent aux lecteurs. Mais pas seulement. Les étudiants de l'école de musique ou ceux de l'école des Beaux-arts trouvent aussi une documentation qui leur est destinées, ce qui n'était pas le cas il y a quelques années. Pour revenir à la lecture littéraire proprement dite, le constat est des plus positifs. Samia Moufouk, maître assistant à l'université de Batna estime qu'"en dépit de l'idée que la littérature est difficile, il y a quand même des étudiants qui vont eux-mêmes chercher les romans et livres qui les intéressent. On leur conseille des fiches lecture et ça les aide beaucoup, surtout qu'ils aiment lire, ce qui est rare et c'est ce qu'on cru perdu à jamais". Selon elle "le plaisir existe quand il y a découverte d'un auteur ou thématique nouvelle, dans leur majorité ils préfèrent lire ce qu'ils ne connaissent pas". L'animateur de l'unique café littéraire de l'université et de la ville de Batna, Mohamed Bensaci se dit, quant à lui, optimiste malgré les difficultés qu'il rencontre depuis 2003, année de son premier café littéraire. "En réalité, l'idée du café littéraire émane des étudiants qui voulaient une projection des textes et des auteurs qu'ils étudiaient. Je n'ai fait qu'encadrer et orienter". Et d'ajouter à propos du lien entre la librairie et les lecteurs : "Nous souhaitons une osmose entre lecteur et libraire. A Batna on s'estime heureux en attendant mieux". De son côté, Mme Meriem, animatrice d'un atelier de lecture en français du festival "Lire en fête" soutient, pour sa part, qu'il faut "investir dans l'enfant, citoyen de demain". Pour elle "l'enfant vient avec sa curiosité, sa disposition, sa spontanéité, il a besoin d'être pris en charge par des spécialiste qui lui font découvrir les bienfaits de la lecture. Il faut chercher comment réveiller en lui le besoin et l'intérêt à lire". R. H.