Le deuxième round du dialogue interlibyen d'Alger a achoppé, hier, à l'hôtel El-Aurassi, sur un discours optimiste de la médiation internationale et des parties libyennes, cachant mal l'amère réalité de la guerre qui déchire ce pays depuis 2011. "La qualité des échanges était importante. Le résultat de la réunion d'hier et de ce matin est un grand succès", a déclaré le chef de la Mission d'appui des Nations unies en Libye, Bernardino Leon, lors d'un point de presse expéditif. Le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, n'en a pas dit plus, usant, lui aussi, de ce même discours rassurant sur ces "importantes avancées" enregistrées depuis janvier, date à laquelle une première rencontre a eu lieu à Genève pour désamorcer cette crise. Car, si l'ensemble des acteurs libyens est d'un même avis sur la nécessité de former un gouvernement d'unité nationale, comme l'a proposé l'émissaire onusien, le dialogue interlibyen bute sur de réels obstacles politiques et sécuritaires pouvant compromettre la réussite de ces pourparlers de paix. Les représentants de la médiation internationale étaient incapables de répondre à la question liée aux délais accordés aux parties libyennes en conflit pour former un gouvernement d'unité nationale. Indépendamment du litige de représentativité opposant les deux gouvernements de Tripoli et de Tobrouk, d'autres donnes interfèrent dans le champ des discussions en cours et échappent à tous les acteurs de cette crise libyenne, très complexe. La poursuite des violences armées pèse lourdement sur les chances de réussite du dialogue interlibyen. Bernardino Leon et Abdelkader Messahel n'ont pas caché, d'ailleurs, leurs inquiétudes face à une situation sécuritaire chaotique en Libye. "Nous sommes conscients que nous travaillons dans un contexte complexe", a reconnu Abdelkader Messahel. Sa déclaration trahit, en effet, ses propos rassurants au sujet d'un dialogue politique à l'issue positive incertaine, si le bruit des armes continue à agiter les rues des villes libyennes. En ce sens, M. Messahel estime qu'il revient aux Libyens de trouver une solution définitive à cette crise, née en 2011, de la révolte populaire contre l'ancien régime de Mouammar Kadhafi. "Nous sommes là pour contribuer à faciliter le dialogue. C'est notre rôle et notre devoir d'aider à trouver une sortie de crise en Libye. Mais c'est aux Libyens, eux-mêmes, d'œuvrer pour la paix", en cessant les affrontements armés, a répondu Abdelkader Messahel, en réponse à une question sur les opérations militaires engagées par l'ancien général Khalifa Haftar. Khalifa Haftar a été désigné par le Parlement élu de Tobrouk, internationalement reconnu, au poste de chef d'état-major de l'armée libyenne. Accusé de travailler pour les intérêts occidentaux, à leur tête les Etats-Unis, l'ancien allié de Kadhafi, du temps de la paix, semblerait ne pas être apprécié par Alger. "Ce n'est pas notre rôle de nous prononcer sur ce sujet. C'est une question interlibyenne", a répondu Abdelkader Messahel à l'évocation du nom de commandant en chef de l'opération "al-Karama" à Benghazi, dans l'est libyen, où se sont exilés le gouvernement du Premier ministre Abdellah al-Theni et le Parlement issu des législatives du 24 juin 2014. Néanmoins, le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines a insisté sur la nécessité d'un accord "juste et équilibré" et la "convergence de tous les processus en cours" vers un seul lieu. Actuellement, plusieurs processus de discussion sont engagés par l'ONU, afin de faciliter le dialogue. Une nouvelle rencontre, entre les deux gouvernements parallèles, est prévue pour demain à Rabat, a annoncé la médiation. Les Egyptiens, dont le pays est directement touché par l'instabilité politico-sécuritaire en Libye, s'apprêtent, eux aussi, à accueillir une réunion des chefs de tribu libyens. La principale difficulté est surtout de réunir ces dizaines de milices qui échappent quasiment au contrôle des forces politiques libyennes et la lutte contre la montée du terrorisme islamiste d'Ansar al-Charia et de la branche locale de l'Etat islamique (EI/Daech). Les attaques de dimanche et de lundi contre les missions diplomatiques de la Corée du Sud et du Maroc, revendiquées par Daech, ont fourni une preuve supplémentaire sur la complexité de la crise libyenne. Au sujet des milices, l'ensemble des partis libyens venus à Alger sont unanimement d'accord sur le fait que sans l'implication des milices dans le processus de discussion, il ne serait pas possible de ramener la paix en Libye. Tout en soutenant les efforts diplomatiques, l'ONU a menacé de recourir au régime des sanctions contre "ceux qui menacent la paix, la stabilité et la sécurité de la Libye, ou qui font obstacle à la transition politique", a indiqué lundi un communiqué du Conseil de sécurité. L. M.