Le nouvel Exécutif intervient dans un contexte délicat, marqué à la fois par des enjeux politico-sécuritaires régionaux et la crise économique, conséquemment à la chute brutale des cours des hydrocarbures. Pourra-t-il y faire face ? Faut-il rappeler que le plan anticrise, concocté et adopté lors du Conseil des ministres restreint consacré à cet effet, n'a pas dévoilé le détail des mesures arrêtées. Un plan B, voire un plan C ont été probablement envisagés. Si tel est le cas, il faut s'attendre à ce que le volet social, préservé jusqu'à présent, soit touché avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer. "Nous avons pris en compte toutes les possibilités et imaginé les pires scénarios. Bien que les choses ne se règlent pas dans le court terme, nous avons pris toutes nos dispositions pour continuer le programme du gouvernement dans tous ses volets ayant trait au social, l'habitat, l'école, l'eau et l'université", avait déclaré le Premier ministre, lors de la cérémonie d'inauguration du Salon de la production nationale. La chute brutale des cours de l'or noir, prédite par les experts et ignorée superbement par les autorités, jusqu'à ce qu'elles soient mises dos au mur, vient rappeler à tous qu'il est grand temps de se préparer à une cure d'austérité. L'état doit donner l'exemple en réduisant son train de vie. Le président de la République est monté au créneau pour souligner la gravité de la situation en invitant la nation et les institutions à la prudence. Tous les citoyens savent que le mode de gouvernance dans notre pays a favorisé la frénésie dispendieuse des institutions et responsables de l'état. C'est dans ce contexte, marqué à la fois par la crise économique et les défis politico-militaires et sécuritaires régionaux, que le pouvoir a désigné un nouvel Exécutif. Cette nouvelle équipe sera fatalement confrontée à l'impact de la contraction de nos recettes extérieures qui ont affecté les équilibres macroéconomique – déséquilibre budgétaire, risques d'épuisement du fonds de régulation des recettes, augmentation préoccupante de la dette interne, des transferts sociaux, hausse inconsidérée des importations, dérive de la monnaie nationale... Autant de facteurs qui suscitent des inquiétudes et incitent à la prudence. Mais en dépit de ces clignotants rouges, les pouvoirs publics continuent leur politique sociale en faveur des catégories les plus vulnérables, et expriment leur volonté de relancer le secteur industriel en vue de diversifier notre économie pour l'arracher des griffes de la rente, la poursuite des programmes de logements ainsi que des différents systèmes d'aide et d'insertion des jeunes dans le monde du travail pour endiguer le chômage. En revanche, une explosion des importations (60 milliards de dollars) et une passivité inexpliquée de la justice face aux grands dossiers de la corruption, de la dilapidation des deniers publics et de la lutte contre les forces de la spéculation et les lobbys de l'import-import contredisent cette "volonté" affichée des gouvernants. Dans de telles conditions, la nouvelle équipe gouvernementale aura fort à faire. Tant il est vrai qu'il paraît difficile de demander, décemment, aux populations les plus fragilisées d'accepter une période d'austérité qui accentuerait leur précarité. Bien évidemment, même si nous disposons encore d'une relative marge de manœuvre pour traverser sans trop de turbulences le scénario d'une crise qui risque de durer. Le gouverneur de la Banque d'Algérie n'avait-il pas averti le Parlement des risques d'aggravation de la situation économique et financière en déclarant : "Si les réserves de change peuvent amortir un choc dans l'immédiat, elles pourraient s'effriter en cas de baisse prolongée des cours du pétrole." Mais ne "cachons pas le soleil avec le tamis", la dérive du dinar a commencé bien avant la chute des cours des hydrocarbures. Tout le monde sait que la valeur d'une monnaie est fonction de la puissance de son économie dont elle n'est que son expression monétaire et financière. Alors connaîtrions-nous le scénario de la dévaluation du rouble à hauteur de 40% de sa valeur ? Rien n'est moins évident, affirment les experts que nous avons contactés. Selon eux, chaque pays a sa spécificité. La Russie fait face à une double contrainte. La guerre en Ukraine et les sanctions de l'Occident. L'Algérie qui dispose d'atouts financiers non négligeables pour la taille de son économie n'est pas dans une situation similaire. En plus, un rebond des prix du pétrole dès 2017 n'est pas à exclure. Les grandes compagnies pétrolières internationales ne souhaitent pas aller en deçà d'un certain seuil de rentabilité de leurs investissements parce qu'elles perdent des profits. Par ailleurs, le capital financier international, dont la fonction est de spéculer, ne peut résister à la chute indéfinie des cours du pétrole. Ensuite, un frémissement de la relance des économies occidentales commence à voir le jour avec à la clé une augmentation de la demande énergétique. Nous sommes effectivement dans une conjoncture économique difficile, mais il faut tenir le cap. La valeur du dinar ne risque pas d'être impactée plus que de raison. Le nouvel Exécutif aura donc fort à faire, mais laissons-lui un délai de grâce. A. H.