Refusant de s'asseoir à la table des négociations, le régime de Kim Jong Il ouvre un nouveau front pour le président américain, déjà préoccupé par l'Iran et la Syrie, sans oublier l'Irak et l'Afghanistan. Que va faire George W. Bush face au défi que lui lance la Corée du Nord, au moment où ses forces sont dispersées sur plusieurs fronts ? La question mérite d'être posée, parce que l'annonce faite, jeudi matin, par le chef de la diplomatie de Pyongyang, à savoir la détention par son pays de l'arme nucléaire, chamboule l'ordre établi jusque-là. L'Administration Bush se retrouve devant un réel dilemme, en raison de la puissance militaire de ce pays, qui dispose d'une armée régulière d'un million de soldats et de sept fois plus de réservistes. C'est dire la gravité de la situation. La sortie médiatique du ministre coréen des Affaires étrangères s'est faite sur un véritable ton de défi pour Washington. La Corée du Nord justifie son acquisition de cette arme par son intention de se défendre contre l'hostilité dont fait preuve l'Amérique à son égard. Elle ne s'arrête pas à ce stade, en décidant de se retirer jusqu'à nouvel ordre des discussions auxquelles prenaient part, également, la Russie, le Japon, les Etats-Unis, la Corée du Sud et la Chine, dont l'objectif était de la convaincre de renoncer à l'arme atomique. Pour rappel, elle a gelé sa participation à ces négociations depuis septembre dernier. Depuis le déclenchement de cette crise en octobre 2002, à la suite des doutes émis par les Américains sur le programme nucléaire nord-coréen, la tension n'a pas cessé d'augmenter entre Washington et Pyongyang. Mais rien n'y fit, le régime de Kim Jong Il est allé jusqu'au bout de ses intentions, comme le confirme cette annonce d'acquisition de l'arme atomique. Si la première réaction de la Maison-Blanche, par le bais de la nouvelle secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Condoleeza Rice, a été l'avertissement à la Corée du Nord contre les conséquences de son geste, qui se traduiraient, en premier lieu, par un isolement sur la scène internationale, il faut certainement s'attendre à d'autres suites de la part de George Bush et de l'Occident. En effet, à l'image de la préoccupation affichée par Mme Michelle Alliot-Marie, le ministre français de la Défense sur cette question, il n'est pas exclu que des mesures collectives occidentales soient prises contre ce pays. Quoi qu'il en soit, c'est le fait accompli, et il faut réfléchir à deux fois avant d'attaquer militairement un Etat détenant l'arme nucléaire et une armée aussi puissante, car cela pourrait déboucher sur une nouvelle guerre mondiale. Ainsi, le patron de la Maison-Blanche est dans une position pour le moins inconfortable surtout qu'il a sur les bras le dossier du nucléaire iranien, qui constitue déjà un casse-tête pour lui. D'ailleurs, profitant de la situation, le président iranien, Mohamed Khatami, est monté au créneau, le même jour, pour mettre en garde l'Europe contre le non-respect des engagements pris vis-à-vis de Téhéran dans ce cadre et contre tout alignement sur les positions américaines. Il a affirmé que Téhéran ne renoncera jamais à son programme “nucléaire civil”, quoi qu'il arrivait. Un nouveau centre de tension vient donc de voir le jour, au moment où les Etats-Unis sont éparpillés sur plusieurs fronts, notamment l'Irak et l'Afghanistan. Reste à savoir si le président américain peut se permettre un conflit de plus. K. A.