Le bilan des privatisations à l'ère d'Abdelhamid Temmar, l'ex-ministre de l'Industrie, fait l'actualité ces jours-ci. Le clou vient d'être enfoncé par la secrétaire générale du PT, Louisa Hanoune, qui considère, entre autres, que les privatisations des années 2000 ne se sont pas effectuées dans la transparence la plus totale. Or, la transparence est l'une des règles fondamentales d'une bonne privatisation. Cette privatisation à huis clos fait des émules. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, dans la charte partenariat public-privé signée avec les partenaires du gouvernement, reproduit la même carence. Ce document, qui fixe le mode d'emploi en matière de privatisation des entreprises publiques, s'abstient d'insister sur une condition fondamentale de son succès : le respect de la transparence. En effet, dans un document de 60 pages, la disposition sur la cession de gré à gré n'occupe qu'un très court passage sans aucune mention sur la transparence ou sur la façon dont sera assuré le respect de cette règle. Ce qui a fait dire à des spécialistes : ces privatisations risquent de profiter aux oligarques. Il faut savoir que dans cette charte, la procédure de cession s'avère très complexe. Pour pouvoir privatiser, il faudrait passer par plusieurs étapes : attirer et choisir les repreneurs, négociations avec les repreneurs, choix des sociétés spécialisées chargées de l'évaluation, évaluation de l'entreprise. Et s'il y a accord, l'entreprise concernée procède à la validation par le conseil d'administration du projet de privatisation qui est alors soumis, en cas de feu vert, au Conseil des participations de l'Etat (CPE). Une fois validé par le CPE, le dossier doit passer en Conseil des ministres. Ce processus demandera un minimum de six mois à un an. "C'est une privatisation administrative. La meilleure manière de les privatiser est de passer par la Bourse. C'est plus rapide. On garantit la transparence de surcroît", commente Noureddine Leghliel, analyste boursier. Mais la plupart de ces entreprises publiques sont en difficulté, selon le discours officiel. Or, la Bourse d'Alger impose comme condition la nécessité d'être bénéficiaire pendant les trois dernières années pour pouvoir céder les actions par la Bourse. "En Europe, dans plusieurs Bourses, cette condition n'est pas imposée. On peut privatiser par la Bourse des entreprises en situation financière difficile", répond-il . Par ailleurs, dans ce processus de privatisation, on ne retrouve pas de mécanisme qui empêche que les oligarques bénéficient de ces privatisations. Pour Noureddine Leghliel, citant la réglementation américaine qui sanctionne toute opération de cession au profit d'oligarques ou de constitution de monopole sur le marché, la meilleure manière est de vendre une entreprise à plusieurs repreneurs et d'empêcher toute privatisation qui conduit ou renforce un monopole dans un secteur. Comment ? Il convient d'éviter qu'un repreneur activant dans un marché puisse intervenir dans un autre secteur à travers l'acquisition seul d'une entreprise spécialisée dans un autre domaine que l'activité du repreneur. Pour que cela soit possible, ajoute Noureddine Leghliel, il faudrait que l'entreprise versée dans un autre domaine que l'un des repreneurs soit cédée non pas à un mais au moins à trois ou quatre repreneurs. Tout cela pour éviter de créer une situation monopolistique. Ces précautions ne sont prévues nullement dans le processus de privatisation affiché par la charte sur le partenariat public-privé, d'où de fortes appréhensions quant au risque de voir ces privatisations détournées au profit d'oligarques. K. Remouche