Quatre vendredis d'imposantes marches populaires à Oran sans enregistrer le moindre incident notable est le bilan d'un service d'ordre improvisé et mis sur pied d'une façon spontanée avant même la première manifestation de rue du 22 février dernier à Oran. Des "vigiles" qui passent inaperçus jusqu'à ce qu'ils interviennent pour remettre de l'ordre dans le déroulement de la marche ou pour rappeler à quelques individus les règles de bienséance. "Ils sont entre 150 à 200, généralement des enfants d'Oran connus du milieu", nous explique Boubakeur, un ancien videur, que nous avons rencontré vendredi dernier à hauteur de la place d'Armes, point de départ de la manifestation contre le prolongement du mandat présidentiel. Trapu, la morphologie d'un catcheur, le verbe facile, Boubakeur est l'archétype des "portiers" des cabarets d'Oran. Il est, actuellement, agent de sécurité dans une entreprise privée. Il reconnaît faire partie d'un service d'ordre composé de plus d'une centaine de personnes qui active pour sécuriser les marches. "Ce sont des visages connus, et tout le monde les connaît. Ils connaissent toutes les personnes susceptibles de provoquer des incidents ou de profiter de l'occasion pour commettre des délits", affirme-t-il. La réciprocité étant vraie, ces éventuels casseurs évitent donc la moindre provocation ou le moindre accrochage, craignant les mises en garde de ce service d'ordre pas comme les autres. "Une partie de nos effectifs encadre la marche, une autre se fond dans la foule et d'autres éléments restent en périphérie pour anticiper les probables actes de malveillance qui peuvent survenir. On reste toujours en contact par téléphone", ajoute-t-il. "Si pour le moment aucun incident grave n'a été enregistré, c'est grâce à la vigilance de ces hommes", précise Boubakeur, qui explique encore qu'ils ont pris cette initiative pour éviter le scénario d'octobre 88 que la plupart d'entre eux ont vécu. Pourtant, lors de la marche du vendredi 8 mars, le service d'ordre a dû intervenir pour arrêter quatre casseurs qui s'étaient réfugiés sur la terrasse d'une construction en chantier du côté du front de mer. "Ils ont commencé à jeter des pierres sur les manifestants et nos hommes sont montés les chercher. C'étaient des adolescents, encore sous l'effet de psychotropes, qui ont avoué avoir été payés 3 000 DA pour chahuter la marche. Nous les avons livrés au commissariat du front de mer", raconte notre interlocuteur. Boubakeur et ses amis se disent mobilisés pour la bonne cause et promettent qu'à chaque contestation de rue, ils seront bel et bien présents parmi la foule tout en restant discrets. Saïd OUSSAD