Un recours à la force inédit depuis le 22 février, date du début du soulèvement populaire. Les forces de l'ordre ont réprimé, hier, un rassemblement pacifique de manifestants dont des étudiants devant le palais de la culture Mohamed-Laïd-Al-Khalifa, au centre-ville de Constantine. Un rassemblement qui n'aurait duré qu'une vingtaine de minutes, puisque les forces de l'ordre présentes sur place ont encerclé les manifestants et n'ont pas hésité à les disperser violemment. Une escalade de violence inédite depuis le début du soulèvement populaire à Constantine. Une dizaine de manifestants ont été violemment interpellés et embarqués dans des fourgons de police, dont le journaliste du quotidien El Watan, Nourredine Nesrouche, et Amor Chabbi, journaliste et fondateur du site électronique Atlas Times. Les deux journalistes ont été relâchés une heure après. C'est vers 10h20 que les manifestants ont commencé à scander des slogans contre la tenue de l'élection présidentielle sous les auspices des mêmes figures, contre le système et contre le chef d'état-major de l'armée, Ahmed Gaïd Salah, dont "Makanch l'vote, wallah ma ndirou, Bedoui wa Bensalah lazem itirou. W'idha b'erssas hebbitou ettirou, wallah marana habssine" (Pas de vote, nous ne le ferons pas, Bedoui et Bensalah doivent partir. Même si vous devez nous tirer dessus, nous ne nous arrêterons pas), "Makanch el vote ya s'hab el-kaskrot" (Adeptes du casse-croûte, il n'y aura pas de vote), "Dawla madania, machi âaskariya". À ce moment, les éléments de la police sont intervenus et ont tenté de disperser la foule. Malgré l'intervention de la police, les manifestants, qui scandaient "Tahya El Djazayer", "Djazayer houra dimoqratia" ou encore "Libérez khawetna ou jibou ouled El-Gaïd" (Libérez nos frères et ramenez les enfants de Gaïd Salah), sont restés devant le palais de la culture, mais encerclés par les éléments de la police. Malgré la répression des forces de l'ordre qui ont empêché les manifestants à emprunter l'itinéraire habituel, ces derniers ont difficilement réussi à rejoindre les allées Benboulaïd puis la cour de justice où ils ont repris à l'unisson : "Adala betilifoun, El-Gaïd wela feraoun" (Justice du téléphone, Gaïd est devenu un pharaon). Les marcheurs n'ont pas oublié les détenus d'opinion, notamment Karim Tabbou, porte-parole de l'Union démocratique et sociale (UDS), arrêté et incarcéré à la prison de Koléa. À ce titre, ils ont repris : "Allah Akbar, Karim Tabbou". À l'avenue Belouizdad (ex-Saint-Jean), la tension monte entre les policiers qui ont empêché les manifestants de poursuivre leur marche vers la place de la Pyramide. Les policiers, déployés en force, ont réprimé violemment les manifestants en bousculant la foule, alors que des marcheurs ont reçu des coups de poing en plein visage, et continuaient de scander "Silmya silmya". À la place de la Pyramide, un cordon policier empêchera les marcheurs de rejoindre le siège de la sûreté de wilaya, sis à El-Koudia, pour revendiquer la libération des manifestants interpellés. Les policiers n'ont pas hésité à employer la force, en repoussant les manifestants et en les empêchant d'avancer. Après quelques échauffourées, les manifestants ont emprunté le boulevard Abane-Ramdane en fulminant : "Atoulqou wledna ya hagarine". Signalons que huit personnes interpellées n'ont toujours pas été relâchées.