Arrestations musclées, bastonnades et blessures caractérisées ; la marche avortée de samedi dernier marque un tournant dans le comportement du pouvoir face à la révolution populaire. Les images de policiers traînant par terre des manifestants, partant à la chasse des citoyens ou matraquant, de manière quasi systématique, ceux qui se trouvaient sur leur passage et s'acharnant sur une femme tombée par terre, ont choqué. C'est en effet l'une des rares fois depuis le début de la révolte populaire où la police a fait montre d'un tel degré de violence. Des interpellations ont eu lieu depuis le début du hirak. Mais l'usage d'une telle violence n'a jamais été atteint. Ironie de l'histoire, un communiqué de la police nie tout en bloc. Au temps des réseaux sociaux où tout se sait à la seconde près, les services de la DGSN ont tenté de nier l'évidence : si personne n'a nié le rôle de maintien de l'ordre et de la protection des vies et des biens, rien ne peut expliquer ni justifier ce déchaînement de violence. Cela s'est déjà produit, mais à chaque fois, les services de police ont évoqué des cas isolés et promis des enquêtes dont on ne connaît jamais l'issue. Signe de la recrudescence de la violente répression policière : pour la première fois depuis des mois, des journalistes ont été arrêtés alors qu'ils exerçaient leur métier. Pis encore, pour éviter de les accuser en tant que journalistes, les services de sécurité ont reproché à Khaled Drareni et ses amis d'être coupables d'incitation "à attroupement illégal". C'est ce qu'ont affirmé certains avocats. Le complément d'enquête demandé par le procureur de la République contre le journaliste risque-t-il de faire apparaître de nouvelles accusations ? Surtout que Khaled Drareni avait déjà rappelé que les services de sécurité lui ont reproché des publications sur twitter. Le pouvoir n'en finit pas de montrer ses paradoxes. Au lendemain de la répression contre les manifestants, le chef de l'Etat, Abdelmadjid Tebboune a salué "le rôle positif" joué par les femmes dans le hirak. Un discours aux antipodes de la réalité du terrain. Mais cette dualité a été le marqueur du pouvoir depuis le début du hirak. Souffler le chaud et le froid, telle est donc la marque de fabrique d'un pouvoir qui ne change que dans les discours. Pendant qu'Abdelmadjid Tebboune évoque un "hirak béni", les services de sécurité se comportent inversement, arrêtent, interpellent et empêchent les citoyens de manifester. Si des manifestants et les leaders du hirak considèrent que le pouvoir emploie la politique de la carotte et du bâton, d'autres pensent, au contraire, que ces contradictions sont en fait le fruit de "résistances" au sein des appareils de l'Etat. C'est ce que soutient Soufiane Djilali, président de Jil Jadid, première personnalité partisane à être reçue par le chef de l'Etat dans le cadre des consultations "pour la révision de la Constitution". L'homme s'appuie sur le fait que malgré les promesses d'Abdelmadjid Tebboune, les choses évoluent différemment sur le terrain. Même le porte-parole du gouvernement, Ammar Belhimer a soutenu, lors d'une récente sortie médiatique, que des "résistances" existent face au projet de changement que proposerait le pouvoir actuel. Le ministre de la Communication a même trouvé "ridicule" le fait que des médias, dont ceux du gouvernement, ignorent le hirak. Mais cette chape de plomb se poursuit. Et les bonnes intentions n'ont pour l'instant rien produit.