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Des promesses en attendant les actes
Le chef de l'état s'engage à instaurer "une véritable démocratie"
Publié dans Liberté le 21 - 04 - 2020

La sortie du président Tebboune est-elle le signe que quelque chose a bougé en haut lieu dans le sens de l'apaisement tant souhaité ?
"Nous sommes déterminés à édifier une véritable démocratie, étant une revendication populaire irréversible, une démocratie accordant à tout un chacun la place qu'il mérite indépendamment de sa position sociale". Ces propos sont du président de la République Abdelmadjid Tebboune qui, en présidant dimanche un Conseil des ministres par visioconférence, a tenté d'expliciter l'idée de "la deuxième République" tel qu'il la conçoit, à l'aune des bouleversements induits dans le pays par la révolution du sourire.
Le chef de l'Etat fait référence, dans son exposé, directement, mais sans le citer, au mouvement populaire qui n'a eu de cesse, depuis son éclosion un certain 22 février 2019, de réclamer le départ d'un système qui a mené le pays dans une impasse multidimensionnelle. M. Tebboune reconnaît ouvertement "l'irréversibilité" de la revendication populaire d'une nouvelle Algérie, bâtie sur des bases saines et qui fera la part belle à la justice et aux libertés.
"La véritable démocratie ne saurait se construire que dans le cadre d'un Etat fort avec sa justice et sa cohésion nationale, et nous sommes déterminés à édifier cet Etat avec son référent novembriste", admet le chef de l'Etat qui semble insister sur le rôle important que doit jouer la justice dans cette nouvelle Algérie à laquelle il dit aspirer. Les propos du président de la République sont, à ce propos, de nature à raviver l'espoir chez la population quant aux intentions du pouvoir en place d'aller vers un changement radical dans la gouvernance.
Le chef de l'Etat réitère, en effet sa "détermination" à édifier "une véritable démocratie". Certes, cela fait juste un peu plus de quatre mois qu'Abdelmadjid Tebboune a pris les rênes du pays, à l'occasion d'un scrutin présidentiel peut-être le plus controversé depuis l'indépendance du pays, si l'on excepte celui de 1999. L'on peut ajouter à sa décharge, la crise sanitaire mondiale qui n'a pas épargné l'Algérie.
L'Exécutif se retrouve donc contraint de jeter toute son énergie dans la bataille contre un ennemi qui a mis à l'arrêt des pans entiers de l'économie nationale et chamboulé le quotidien des citoyens. Mais en ces temps d'incertitude, les Algériens qui ont eu droit jusque-là à une abondance de discours, sont aujourd'hui plutôt en droit d'attendre des actes qui vont dans le sens des promesses et des engagements pris.
Ce qui est, pour le moment, loin d'être le cas. Loin s'en faut. Entre le discours et la réalité, c'est un énorme fossé que l'on constate. Et ce contraste entre la parole donnée et les faits, qui, du reste, sont têtus, ne fait que retarder le rétablissement de la confiance entre la société et le pouvoir politique, condition sine qua non à toute solution à la crise multidimensionnelle que traverse le pays.
Il est, à l'évidence, difficile de croire en l'existence d'une volonté d'aller vers l'instauration d'une véritable démocratie tel que voulu par la révolution populaire au moment où des activistes de ce même mouvement et des militants politiques continuent de subir les affres de l'appareil juridico-sécuritaire.
Pressions, intimidations, poursuites judiciaires, condamnations à des peines de prison, souvent sur la base de motifs fallacieux, mise en isolement, sans raison, dans les geôles… la chasse aux sorcières contre les hirakistes se poursuit, à la surprise générale. Les Algériens pensaient, peut-être naïvement, que l'épreuve de la crise sanitaire du coronavirus allait convaincre les autorités de sursoir à leur politique répressive.
Il n'en fût rien. Pis, on assiste au durcissement du discours officiel, chez certains membres du gouvernement, notamment, à l'égard du mouvement citoyen et de ses acteurs qui, mûs par un degré de responsabilité et de bon sens inouï, se sont, pourtant résignés à mettre en veilleuse les manifestations populaires pour se joindre à la mobilisation nationale contre le Covid-19.
Il va sans dire que le retour de cette rhétorique belliqueuse va à contre-sens des propos du président de la République. Il est par ailleurs difficile d'évoquer la nécessité de la mise en place d'une véritable démocratie lorsque les principes qui président à celle-ci ne sont pas respectés.
Les pressions qui n'ont pas cessé contre les médias, la condamnation de journalistes à la prison pour des faits liés à l'exercice de leur fonction, le blocage de sites d'information connus pour leur professionnalisme, à l'image de Maghreb Emergent, la fermeture des champs médiatiques, notamment télévisuels, à toute voix discordante au discours officiel… tout cela n'augure rien de bon pour la démocratie.
Il reste à savoir si le dernier laïus du chef de l'Etat trouve sa substance dans les changements intervenus récemment dans certains corps de sécurité et si la vision explicitée dimanche était dictée par un changement de la perception par rapport à la façon d'appréhender les revendications populaires. Sa sortie est-elle le signe que quelque chose a bougé en haut lieu dans le sens de l'apaisement tant souhaité ? Les prochains jours nous diront certainement un peu plus sur les intentions des tenants du pouvoir.

Hamid SAIDANI


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