Les entreprises prévoient une baisse de plus de 50% de leur chiffre d'affaires, alors que le premier trimestre s'est soldé par une baisse de 40%. Les entreprises, grandes et petites, publiques et privées, connaissaient déjà des contraintes sévères liées à la crise économique que subit l'Algérie depuis la chute des prix du pétrole en 2014. "La catastrophe sanitaire qui sévit aujourd'hui aggrave encore plus une situation déjà très fragile du fait de l'assèchement des marchés, de la perturbation alarmante des réseaux de transport et de distribution et de l'immobilisation des travailleurs", estime Slim Othmani, président du Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (Care), lors d'un Webinar (visioconférence) sur "l'entreprise et le citoyen face au Covid-19". "La priorité va bien évidemment à la lutte contre la maladie et l'urgence est à la prise en charge de la santé de nos concitoyens. Nous restons mobilisés et solidaires envers nos personnels soignants", a indiqué le président du Care. Cependant, a-t-il souligné, l'économie algérienne fait également face à une spirale infernale dont il est urgent, sinon vital, de rompre ; celle de l'arrêt de l'activité économique couplé au déclin des revenus des citoyens. Mouloud Hedir, économiste et expert des politiques commerciales, a évoqué "un sentiment d'incertitude" qui touche l'ensemble de l'économie mondiale. L'expert est revenu sur la proposition de la mise en place d'un revenu "Covid-2020" en solidarité avec les travailleurs du secteur privé. Selon lui, 5 millions d'employés demanderaient à être assistés au cours d'une période estimée à trois mois. Mouloud Hedir reconnaît que l'exercice est difficile "du point de vue des finances publiques et de la façon d'appréhender cette couche de la population". D'où la nécessité, d'après lui, "de faire quelque chose dans cette direction". Sur la base d'une aide forfaitaire mensuelle de 10 000 DA qui serait consentie durant trois mois au bénéfice de cette catégorie de la population, l'impact budgétaire serait de 150 milliards de dinars. Slim Othmani a fait état d'un sondage réalisé, la semaine dernière, par Care et qui a touché près de 200 chefs d'entreprise. Selon Nadir Laggoune, consultant en stratégie, membre du Care, 76% des chefs d'entreprise approuvent les mesures de confinement. En revanche, 30% des chefs d'entreprise seulement s'estiment en mesure de supporter le coût des congés exceptionnels, imposés par cette période de confinement. Les entreprises prévoient une baisse de plus de 50% de leur chiffre d'affaires. "La plupart des entreprises réalisent environ 60% de leur chiffre d'affaires au premier semestre", explique Nadir Laggoune. Cette forte baisse du chiffre d'affaires va entraîner inévitablement d'importants problèmes de trésorerie au sein de ces entreprises. Conséquence : 58% des chefs d'entreprise, qui ont répondu au sondage, affirment qu'ils ne seront pas en mesure de remplir leurs obligations fiscales et parafiscales. Nadir Laggoune indique que les mesures annoncées par les pouvoirs publics, dont, entre autres, le report des déclarations du G50 et de la Cnas, "sont considérées comme étant fortement insuffisantes par 76% des entreprises sondées". Selon lui, "les entreprises attendent des mesures concrètes de soutien financier durant cette période de confinement, mais également pendant la phase post-confinement". Nadir Laggoune pense que la période de confinement risque de durer dans le temps. Du coup, estime-t-il, "il faudrait que l'Etat, durant cette période de confinement, soutienne les entreprises privées". L'expert a évoqué la période de reprise de l'activité en plaidant, entre autres, pour un report de paiement des charges sociales et éventuellement des financements supplémentaires, dont des prêts à taux zéro. À travers des mesures fiscales et bancaires, l'idée consiste à mettre en place un environnement qui puisse favoriser la préservation des ressources de l'entreprise.