La marche à laquelle avaient appelé les inconditionnels du hirak pour avant-hier, vendredi à Tizi Ouzou n'a, certes, pas drainé les habituelles foules qui avaient, jusqu'à mars dernier, pour habitude d'envahir le centre-ville, mais suffisamment de monde pour donner du fil à retordre aux forces de l'ordre déployées pour empêcher son déroulement. Mais le timing de cette reprise du chemin de la contestation a été l'élément qui a le plus divisé l'opinion locale, y compris au sein du hirak. D'un côté, ceux qui estiment que reprendre les manifestations dans le contexte sanitaire actuel relève d'une "aventure dont les conséquences peuvent êtres lourdes" et ce d'autant que pas moins de 37 nouveaux cas de contamination au coronavirus sont enregistrés durant cette semaine, et de l'autre côté, ceux qui ont jugé que le contexte sanitaire ne constitue plus un obstacle objectif à la reprise de la rue. Pour les partisans du retour à la rue, il est hors de question de continuer à se taire devant les dérives liberticides du pouvoir et le harcèlement policier et judiciaire qui cible les activistes du hirak depuis le début du confinement. Pour eux, en profitant de la trêve observée par le peuple depuis le début de la crise sanitaire pour mener, avec acharnement, une campagne de harcèlement sans précédent à l'encontre des activistes, le pouvoir n'a fait qu'exaspérer la population au lieu de calmer le jeu. Plusieurs activistes les plus en vue à Tizi Ouzou et qui ont participé à la marche de ce vendredi, ont, ainsi, vu dans cette date du 19 juin, date du coup d'Etat fomenté par Houari Boumediene, l'occasion idoine pour relancer le combat contre ce même régime qui se perpétue. L'origine de l'appel à reprendre les marches ce vendredi a été le second élément qui a cristallisé cette polémique qui a débuté avant même la marche du vendredi et qui a enflé davantage après son déroulement. Certains n'hésitent pas à mettre ces appels à la marche sur le compte d'une organisation crypto-islamiste alors qu'à Tizi Ouzou, il n'échappe à personne que les islamistes n'ont aucune réelle emprise sur la rue même si ce ne sont pas les tentatives d'en avoir qui manquent. Preuve en est, sur le terrain, ce vendredi, il était aisé de constater que le gros de la foule était composé essentiellement d'actuels et d'anciens militants du FFS et du RCD, de syndicalistes, d'avocats et de jeunes activistes connus pour leur hostilité au courant islamiste. Ainsi, il est évident que si la reprise des marches est, à l'instar de tout autre regroupement, une entreprise porteuse de risques sanitaires, la tentative de marcher de ce vendredi reste directement liée à la politique répressive menée par le pouvoir durant ces trois mois de confinement. Un résultat qui était prévisible même au plus fort de l'épidémie. La répression a fait sortir, à maintes reprises, et dans différentes localités, les habitants de la wilaya dans la rue.