Arrêtées dimanche par le gouvernement, les mesures destinées à endiguer la propagation effarante des cas de contamination par la Covid sont diversement appréciées par les professionnels de la santé. Mais à l'unisson, ils souhaitent un durcissement plus significatif du dispositif sanitaire. Outre la reconduction du confinement partiel, le gouvernement a décidé d'un contrôle rigoureux de l'application des mesures de prévention dont notamment le respect du protocole sanitaire et l'interdiction des rassemblements et des fêtes. Des contrôles seront effectués également par les services compétents dans les grandes surfaces, les marchés et autres administrations avec l'application, au besoin, de sanctions pénales. "On ne pourra mesurer l'effet de ces mesures, qui sont limitées uniquement à la reconduction du confinement partiel et au contrôle du respect des mesures barrières, que dans une quinzaine de jours", estime le professeur Abderrazak Bouamra, chef du service d'épidémiologie de l'hôpital de Tipasa, lequel n'exclut pas un durcissement du dispositif contre la propagation du virus en cas d'évolution plus dramatique de la situation sanitaire. Le professeur Abderrazak Bouamra préconise, dans ce sens, la limitation des déplacements entre les wilayas touchées par la pandémie, l'interdiction de la vente des moutons à l'intérieur des villes et dans les garages et l'exigence d'une carte de vaccination pour l'accès à certains espaces administratifs, restaurants et supérettes. "C'est une façon d'obliger les gens à se faire vacciner indirectement car on fait face à une troisième vague de la Covid-19, en raison de la propagation rapide des variants, aggravée par un relâchement dans le respect des mesures préventives contre le virus", soutient-il. Selon Lyès Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique, la réunion du gouvernement a rappelé "les mesures qui étaient déjà en place et la nécessité de leur respect". "C'est une réaction positive parce qu'on est devant une situation qui progresse négativement et qui risque de générer beaucoup de problèmes. Le gouvernement est intervenu pour sonner l'alerte et donner des consignes aux différents secteurs parce que beaucoup pensent, à tort, que la situation sanitaire ne concerne que le ministère de la Santé. Pourtant, d'autres facteurs impactent l'évolution de la pandémie. Le non-respect du protocole, mais aussi des déclarations rassurantes de certains responsables qui donnent l'impression qu'on est sorti vainqueur de cette lutte contre la Covid-19 et que nous ne sommes pas un pays comme les autres. Il faut changer de comportement et aller vers des mesures coercitives à l'encontre des citoyens, des entreprises et des institutions qui ne respectent pas le protocole sanitaire", ajoute-t-il. Par ailleurs, il pointe notamment du doigt le retard dans la livraison des vaccins. "Il n'a pas été mis à la disposition des structures de santé immédiatement des quantités suffisantes de vaccins. D'où le démarrage timide de la campagne de vaccination. Mais aujourd'hui, nous avons atteint un niveau plus important grâce à une accélération des livraisons de vaccins et nous avons observé un regain d'intérêt des citoyens. Ce qui est en soi très positif", observe Lyès Merabet Pour sa part, le professeur Mansour Brouri, ex-chef de service médecine interne à hôpital de Birtaria (El Biar), pense que le manque de réactivité des autorités a impacté la cadence de la vaccination et a contribué à la flambée du taux des contaminations. "La campagne en faveur de la vaccination devait être répétée, appuyée à chaque fois. Si on avait vacciné deux à trois millions de personnes par mois depuis janvier dernier, on aurait eu moins de pression sur les hôpitaux et moins de cas graves." Selon lui, à une situation sanitaire alarmante s'est greffée une comptabilité approximative du taux de prévalence de la pandémie dans le pays. "On a des chiffres qui ne correspondent pas à la réalité et qui ne nous permettent pas d'affronter la situation et d'adapter la riposte. L'exemple du taux de létalité est, poursuit-il, édifiant. On parle d'une moyenne de 9 décès par jour, alors que les collègues rapportent 8 à 9 décès seulement dans un seul hôpital." Commentant les décisions restrictives prises par l'Exécutif, le professeur Brouri estime qu'il "fallait le faire depuis longtemps". "Cette vague de contaminations était attendue. Nous avons constaté la circulation des variants depuis l'épisode des deux ressortissants indiens. Nous savions bien que ça allait arriver. Ces mesures arrivent un peu en retard. On n'aurait jamais dû s'adonner à une période de relâchement. On aurait dû, également, dès le début, réserver aussi des hôpitaux uniquement aux cas de Covid-19 comme cela a été fait, par exemple, à Oran et laisser les autres malades se soigner dans d'autres structures sanitaires. On peut craindre de voir beaucoup de maladies s'aggraver faute de continuité de soins ou de prise en charge dans les délais. Un cancer ne peut pas attendre pour être opéré. C'est une perte de chance inacceptable. Il est urgent de sécuriser tout le circuit de prise en charge et de rassurer les malades !", martèle-t-il. "Cette option aurait permis, en outre, de limiter la propagation du virus en milieu hospitalier. Car le personnel travaillant dans les services Covid observent davantage de mesures de prévention par rapport aux autres services. Ils ont davantage de reflexes de protection", conclut-il.