Lorsque le président de la République réaffirme sa position au sujet du Conseil de la magistrature, des magistrats crient, dans la rue, leur attachement à sa composante. Cela sans compter sur un autre acteur du secteur, les avocats, dont l'Ordre l'accuse de n'avoir jamais garanti l'indépendance de la justice. Le président Kaïs Saïed n'a pas reculé sur la question du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), en Conseil des ministres, tout en répliquant de manière subtile à la réaction des pays du G7 en réaffirmant son attachement au respect des lois et des libertés. Un soutien inattendu est venu renforcer sa position : l'Ordre des avocats, réuni mercredi, a clairement brocardé le Conseil de la magistrature dont il dresse un bilan négatif. L'Ordre a également considéré "illégale" la grève des magistrats. Le Conseil national de l'Ordre des avocats considère que "le Conseil supérieur de la magistrature a échoué à garantir l'indépendance de la magistrature et des magistrats, à assurer la bonne marche du service de la justice, et est l'objet de critiques virulentes à l'occasion de tout mouvement judiciaire", outre le fait qu'"il n'a pas réussi à être le représentant du pouvoir judiciaire". Dans son communiqué publié à l'issue de la réunion de mercredi, l'Ordre des avocats a appelé "à impliquer le Barreau dans toute réforme et à faire en sorte que sa représentation au sein du CSM soit plus efficace en vue de consacrer l'indépendance envers tous les centres de pouvoir politique et financier". L'Ordre des avocats considère, par ailleurs, que "les grèves anarchiques et contraires à la loi sont de nature à approfondir la crise de la magistrature, en termes d'absence de confiance des citoyens à son égard". "Le CSM n'a réalisé aucun acquis pour la justice tout au long de son mandat, se bornant à décider des privilèges personnels à ses membres, outre le fait qu'il ait dissimulé la corruption, ses atermoiements en termes d'ouverture des dossiers de levée de l'immunité, et les vices de forme ayant entaché ses décisions, ce qui a donné lieu à leur annulation", conclut l'Ordre dans son sévère "réquisitoire". Par ailleurs, le collectif de défense des martyrs, qui a tiré à boulets rouges sur les magistrats, a révélé que la justice s'est saisie d'une affaire dans laquelle le président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, devrait répondre de "suspicions de trahison et d'espionnage". Ennahdha est soupçonné d'avoir infiltré la justice, notamment le corps des magistrats qui ont influé sur les enquêtes et les dossiers relatifs aux assassinats de Choukri Belaïd et Mohamed Brahimi. Un des arguments utilisé par le président Saïed pour à la fois "mater" le parti islamiste et régler le compte du CSM, considéré partial. Particulièrement dans le traitement du dossier des assassinats politiques. Lors d'une conférence de presse tenue mercredi, le collectif de défense de Belaïd et Brahmi a porté de graves accusations contre le président du CSM, Youssef Bouzakher, quant à sa mauvaise gouvernance du Conseil et son implication dans la dissimulation des preuves dans les affaires des assassinats politiques ont été révélées aux médias au cours de cette rencontre. L'AMT a organisé une manifestation devant le siège du conseil, rappelant dans ses slogans que le CSM est le garant de l'indépendance de la justice, appelant à la réouverture de son siège. Pour certains observateurs, cependant, en procédant de la sorte avec le CSM, Kaïs Saïed tente d'accaparer le dernier contre-pouvoir après s'être arrogé presque tous les pouvoirs.