Pour les spécialistes, l'interventionnisme de l'Etat est contre-productif car il instille, dans les mentalités, "l'idée d'un Etat providence pourvoyeur d'indemnisations sans condition". Le développement de la culture assurantielle algérienne ira de pair avec une redéfinition du rôle de l'Etat. C'est ce que pensent Luc Bigel, avocat aux barreaux de Paris et du Québec, et Hamza Akli, avocat à la Cour, senior associate et membre de DLA Piper France LLP, dans une contribution publiée dans le dernier numéro de la revue L'Assurance, éditée par le Conseil national des assurances. "L'analyse des données économiques disponibles démontre que le marché de l'assurance en Algérie figure parmi les moins développés d'Afrique du Nord", relèvent les auteurs de la contribution. Parmi les facteurs susceptibles d'expliquer "une telle atrophie", indiquent les deux experts, "la première cause, assez classique, porte sur le sur-interventionnisme étatique au détriment d'acteurs privés". Si l'Algérie, rappellent-ils, a connu des épisodes récents de catastrophes climatiques avec en point d'orgue le tremblement de terre de 2003 ayant poussé à la mise en place du régime obligatoire de l'assurance contre les effets des catastrophes naturelles, l'Etat entend intervenir de façon automatique et instantanée afin de venir en aide aux populations sinistrées. "Si l'intention reste, certes, louable et fait partie du pouvoir régalien, elle n'en demeure pas moins contre-productive car elle instille, dans les mentalités, l'idée, désormais ancrée, d'un Etat-providence pourvoyeur d'indemnisations sans condition", estiment les auteurs de la contribution. "Cet engagement systématique de l'Etat rend, ainsi, le rôle de l'assurance superfétatoire en ce qu'il est, désormais, admis dans l'inconscience collective que la charge de l'indemnisation reviendra en tout état de cause à l'Etat", font-ils remarquer. Au sur-interventionnisme étatique dans les indemnisations "va venir se superposer l'absence de mécanisme de coercition efficace susceptible de sanctionner les personnes se soustrayant à l'obligation d'assurance, lorsque celle-ci est imposée", constatent les deux experts, estimant, cependant, qu'il serait préférable de pousser les populations à souscrire une assurance non pas par crainte de sanction, mais par réelle conviction de son utilité. Luc Bige et Hamza Akli relèvent également "les comportements de certains acteurs du marché ayant eu pour effet d'exacerber la défiance déjà toute naturelle des Algériens envers le secteur de l'assurance". Ils rappellent, dans ce cadre, "l'instruction du ministère des Finances invitant de façon ferme les entreprises d'assurance à réduire de façon drastique" les délais d'indemnisation. "Des raisons sociétales telles que la présence (bienheureuse) d'une solidarité familiale marquée au sein de la société algérienne permettant de pallier les événements de la vie sans s'en remettre à des mécanismes de protection tiers ou encore à la relative défiance religieuse vis-à-vis de la licéité de l'assurance peuvent constituer tout autant de facteurs expliquant la raison pour laquelle l'assurance est encore vue comme un coût plutôt qu'un outil de sécurisation de l'avenir", notent par ailleurs les deux experts. Ces derniers expliquent que l'analyse de différents marchés actuels démontre que le secteur des assurances est une manne économique directe et indirecte. L'assurance est, aussi, une source de financement de l'économie via les investissements à long terme réalisés par les entreprises d'assurance. "Pour ces raisons, l'Etat algérien a tout intérêt au développement d'un secteur des assurances fort en Afrique du Nord", estiment-ils. L'interventionnisme de l'Etat, estiment Luc Bige et Hamza Akli, doit évoluer pour ne pas agir à l'instar d'un "super assureur" mais, au contraire, comme garant de la confiance entre les assureurs et la collectivité des assurés. "Ce rôle de garant de la confiance peut se traduire par la mise en place de structures législatives ayant pour dessein d'encadrer plus profondément le système assurantiel", suggèrent-ils. "Le rôle de l'Etat doit ainsi se transformer d'un assureur ponctuel pour tendre vers un rôle de régulation et d'organisation du secteur assurantiel et n'intervenir en matière d'indemnisation qu'en soutien des assureurs via des mécanismes de réassurance", ajoutent les deux experts. Si la confiance est primordiale dans toute relation économique, soulignent-ils, elle revêt un caractère d'autant plus crucial en matière d'assurance du fait de l'inversion du cycle de production que connaît cette industrie.