Un Vrai pied de nez pour le président Bush, qui devait lâcher, lors d'une récente rencontre avec ses pairs de la région, avoir saisi le fait qu'il était “indésirable” chez les Latinos-Américains ! La réunion, qui devait poser les jalons d'un marché régional, a foiré. Les Latinos s'étaient mobilisés pour clamer leur refus du diktat américain et faire part de leurs appréhensions et réserves sur la globalisation made in USA. Si auparavant le voisin yankee n'avait à faire qu'avec le Venezuela chaviste et cuba la castriste, depuis 2005, c'est pratiquement toute la sous-région qui lui échappe. Le coup de semonce a été donné par le Chili, pourtant considéré par les Etats-Unis comme “l'élève modèle” après les turpitudes de la dictature pinochiste. Le pays était même parvenu à panser les plaies du fascisme en instaurant une normalisation, somme toute, assez réussie. Mais l'histoire (ne pouvant être amnésique) a rattrapé la période trouble post-Allende. Pinochet a réveillé sur le tard les affres de la dictature endurée par le peuple chilien, qui a placé à sa tête une femme et, de surcroît, une rescapée des années de la torture. La nouvelle présidente est une proche d'Allende, assassiné en 1973 par des putschistes militaires à la botte du Pentagone. Son père, général et fidèle d'Allende, avait été passé par les armes par Pinochet. Le retour de sa fille n'est pas qu'un devoir de mémoire. Socialiste “sage”, elle promet de restituer leur souveraineté à ses concitoyens. Comprendre dénouer les chaînes américaines. Plus proche, l'élection, pour la première fois, d'un Indien à la tête de la Bolivie, le deuxième Etat le plus pauvre de l'Amérique latine, malgré ses réserves de gaz naturel, la situant à la deuxième place après le Venezuela. Evo Morales est plus tranchant que la présidente du Chili. Cet ancien leader des “cocaleros”, producteurs de coca, la seule richesse laissée entre les mains des six millions d'Indiens de la Bolivie, ne s'encombre pas de mots pour dire tout le mal qu'il pense de l'establishment américain. Comme son homologue du Chili, Morales se prévaut d'un héritage, celui de Simon Bolivar, qui avait tenu la dragée haute aux yankees lorsqu'ils ont traversé le Rio Grande à la conquête de l'Amérique latine, le nouveau monde de la fin du XIXe siècle. Pour Morales, “le pire des ennemis de l'homme est le capitalisme”. Tout un programme qui donne des sueurs froides à Washington. D'ores et déjà, il exige des pétroliers, dont Exxon la texane, des taxes supplémentaires pour faire démarrer la Bolivie enclavée au milieu de cinq autres pays. Il agite même le spectre des nationalisations. D'autre part, il a promis à ses électeurs indiens de dépénaliser la culture de leur seule ressource, la coca, imposée par les Etats-Unis sous prétexte de lutte contre la drogue. Morales avance l'argument que la coca est également une plante aux multiples applications dans la pharmacopée et soutient que les ingrédients pour la transformer en drogue proviennent des Etats-Unis ! Un autre pays menace de revenir au socialisme, le Nicaragua, un autre laboratoire de la CIA et des multinationales américaines. Les prochaines présidentielles donnent gagnant un homme se prévalant de la continuité du Nicaragua hostile à l'américanisme. Ce vent de grogne souffle en réalité dans toute la sous-région, y compris au Brésil de Lula et au Mexique, deux géants qui n'ont cessé de dénoncer la reconduction de l'exploitation via l'OMC et qui tentent de revitaliser la coopération Sud-Sud. L'Amérique latine a pris le pari de remettre sur le tapis le combat du tiers-monde, qui avait connu son apogée en 1973 avant de s'effacer devant les dictatures et le diktat des puissances de l'argent. Un retournement de l'histoire ? D. Bouatta