Le syndicat d'Etat a inventé l'art de s'opposer au gouvernement sans s'opposer au Chef du gouvernement, voire en le soutenant. Lakhdar Badreddine s'est chargé, hier, à l'occasion de la réunion du secrétariat national et des représentants des fédérations, d'exprimer cette discrimination : “Le dialogue avec le Chef du gouvernement aura lieu, car il a exprimé son entière disponibilité pour ce faire. En outre, M. Benflis s'est exprimé en faveur d'une bipartite que nous organiserons ensemble”. La disponibilité du Chef du gouvernement contraste, du point de vue de l'UGTA, avec le mépris inquiétant du ministre de la Participation et de la Promotion de l'investissement, Temmar, qui “n'attend pas, fait fi de ce dialogue et poursuit sa politique de privatisation sauvage”. Après les nuances savamment distillées, à la veille de son appel à la grève des 25 et 26 février, entre Conseil des ministres et Conseil de gouvernement, la Centrale syndicale s'emploie à discerner le bon grain de l'ivraie à l'intérieur du gouvernement. Isolé de son président d'abord, voici Benflis particularisé parmi sa propre équipe gouvernementale. Tous les ministres concernés par les affaires économiques sont cloués au pilori, parce qu'ils persistent, “à travers leurs attitudes et déclarations, dans l'ignorance la plus totale du partenaire social et leur soutien à une politique économique rejetée par l'UGTA”. Il faut juste rappeler que l'UGTA a été le principal soutien du programme présidentiel avant le récent revirement de cette organisation de masse, aujourd'hui appelée à remplir une fonction de contestation et tirer sur les “pouvoirs publics” en prenant bien soin d'éviter que quelques balles perdues n'effleurent le Chef du gouvernement candidat. Dans cette guerre sans merci, je crois bien que le mot d'ordre est : “Il faut sauver le soldat Benflis !” A tout prix, y compris en le déresponsabilisant sur la politique de son gouvernement ! A part cela, ni la grève générale ni les pressions verbales des responsables de l'UGTA ne relèvent de l'action politique. C'est une simple campagne politique à visage couvert de l'habit syndical. Mais honni soit qui mal y pense. Le discours syndical est, tout le monde l'aura remarqué, creux, vide de revendications et juste menaçant : “S'ils cherchent la confrontation…” Voici le programme de Sidi Saïd tel que résumé, hier, en page “Une” du Soir d'Algérie. Mais c'est lui qui, dans l'entretien du même jour, au même journal, donne la leçon de realpolitik : “J'espère que l'Etat répondra aux revendications des travailleurs. Ces derniers et les travailleurs d'une manière générale ne veulent plus du langage politique stérile. Ils veulent du concret.” Si Benflis est, à l'exclusion de son Président et de ses ministres, si bienveillant à l'égard de la classe ouvrière, pourquoi promener les travailleurs de grève en grève, de meeting en meeting, de menace en menace ? Qu'attend-il pour user de ses prérogatives sociales ? 2004 ? M. H.