Afin de diversifier ses sources d'approvisionnement, l'Union européenne accorde un plus grand intérêt depuis le différend entre Gazprom et l'Ukraine aux ressources gazières algériennes. Bonn se chargera, en principe, de matérialiser la volonté européenne d'accorder au gaz algérien un rôle beaucoup plus croissant dans la satisfaction de ses besoins en énergie à moyen et long terme. L'Allemagne exercera la présidence de l'Union européenne, du 1er janvier au 30 juin 2007 qui coïncide avec le 50e anniversaire de la fondation de la Communauté économique européenne, le 25 mars 1957. “Un approvisionnement énergétique sûr, économique et respectueux de l'environnement est un facteur décisif pour le développement futur de l'Europe”. L'achèvement du marché intérieur pour l'électricité et le gaz, l'accroissement de l'efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables, une coopération plus étroite avec les pays fournisseurs, consommateurs et de transit ainsi que la conception d'une politique énergétique favorable au développement sont quelques-unes des priorités de la présidence allemande. Sur cet aspect, l'Algérie se place comme un partenaire “très sérieux”. En effet, l'UE et l'Algérie sont d'accord sur le fait que la coopération bilatérale dans le domaine de l'énergie pourrait être considérablement renforcée “au bénéfice des deux pays”. Véritable levier de l'économie algérienne, l'énergie est aussi un élément essentiel pour l'UE, qui voit en l'Algérie un partenaire stratégique qu'il convient de ne plus négliger. Il s'agit, en effet, d'un fournisseur important de gaz à l'UE, après la Russie et la Norvège, dont l'appui est indispensable afin d'assurer une sécurité d'approvisionnement énergétique. En situation de dépendance énergétique croissante vis-à-vis de l'extérieur, notamment de la Russie qui lui assure le quart de sa consommation en gaz et pétrole, l'Union européenne espère conclure rapidement un accord de coopération énergétique avec l'Algérie. La réaction de l'UE à la signature du mémorandum d'entente entre la Sonatrach, Gazprom et Loukoïl a dévoilé son souci grandissant sur le volet énergétique. Après les craintes, l'UE se dit rassurée par Alger, et se résigne enfin à “penser autrement”, voulant aboutir à un accord énergétique avec l'Algérie. Un accord qui la met à l'abri du souci majeur de la dépendance et du risque des aléas de l'approvisionnement en gaz. Le projet Galsi vers l'Italie et Medgaz vers l'Espagne sont un gage de sécurité devant donner plus “d'énergie” aux relations entre l'Algérie et l'Union européenne. Du coup, le développement d'un dialogue stratégique sur l'énergie avec l'Algérie est devenu un sujet prioritaire pour l'Union européenne. Ahmed Ouyahia alors Chef du gouvernement et José Manuel Barroso, président de la Commission européenne avaient décidé le 22 février 2006 d'établir un cadre de dialogue stratégique. Le partenariat devrait déboucher sur la signature d'un Memorandum of Understanding (MOU) dans le domaine de l'énergie, couvrant les principaux secteurs d'intérêts communs, à l'exemple du “soutien aux réformes dans le secteur énergétique, en vue de l'harmonisation progressive de leurs marchés respectifs en la matière ainsi que du développement de la coopération technologique et le transfert d'expertise”. Bruxelles fait remarquer qu'un projet de texte de Memorandum of Understanding a été établi. “Mais à ce jour, il n'a pas encore été signé”. Politique de voisinage : l'Algérie assez réservée L'autre priorité de la présidence allemande, après la Constitution et le renforcement de la politique de voisinage, proposée par l'UE à ses voisins du Sud et de l'Est. 12 pays ont déjà adhéré à cette nouvelle politique et signé avec l'UE des plans d'action. Avec la Tunisie et le Maroc, les plans d'action sont en vigueur depuis 2005. Pour l'Algérie, la priorité est donnée à l'application de l'accord d'association, entré en vigueur le 1er septembre 2005. L'Algérie semble attendre pour “mieux voir et comprendre”. Bruxelles confirme et rappelle que lors du sommet-anniversaire de Barcelone, “l'Algérie s'est montrée assez réservée à l'égard de la Politique européenne de voisinage (PEV) et a clairement indiqué sa volonté de s'en tenir, à ce stade, à la mise en œuvre de l'accord d'association”. L'UE a pris “bonne note” de cette position et se dit “disponible pour entamer un dialogue sur un plan d'action quand les autorités algériennes le décideront”. Certains reconnaissent que la ratification de l'accord d'association a été un exercice difficile pour les autorités algériennes qui ont principalement misé sur l'ancrage politique à l'union, plutôt que le libre-échange qui, en termes économiques, ne représente pas vraiment de valeur ajoutée pour l'Algérie. Avant même la finalisation de la procédure visant la création formelle des sous-comités techniques, une première réunion d'un groupe de travail informel, “industrie, commerce et services”, a eu lieu à Bruxelles le 7 novembre, et un autre groupe “justice et affaires intérieures” s'est réuni les 5 et 6 décembre dernier à Alger. “Il avait été convenu de réunir en priorité ces deux groupes en raison de l'intérêt mutuel des thématiques qui y seraient traitées”, expliquent certaines sources communautaires. Si pour l'UE, le démarrage des discussions sur un accord de réadmission des Algériens illégalement établis en Europe est important, l'Algérie attend l'appui de la commission pour la facilitation des visas ainsi que pour son accession à l'OMC. Le calendrier prévoit la tenue de la deuxième session du conseil d'association en avril 2007, et un forum pour les investissements européens est prévu à Alger au début de l'année prochaine, peut-être en février. Sur le plan instrument financier, le programme 2007-2010 a été mis en place. Le Programme national indicatif (PIN) pour 2007 prévoit une aide de 57 millions d'euros (40 millions d'euros pour l'amélioration de la compétitivité des PME et 17 millions pour la justice). Mais il ne faut peut-être pas se leurrer, le regard de l'Allemagne se dirigera plus vers l'Est que vers le Sud. L'Europe de l'Est, dont certains pays sont candidats à l'adhésion à l'UE, a toujours été un marché acquis pour l'Allemagne. À moins que Wolfgang Plaça, un Allemand qui a pris ses fonctions en décembre dernier à la tête de la délégation de la Commission européenne en Algérie en remplacement de M. Lucio Guerrato qui a occupé ce poste, pendant six ans, change la donne. Sur le plan bilatéral, le président Abdelaziz Bouteflika a été le premier président algérien à effectuer une visite officielle en Allemagne au début du mois d'avril 2001. En octobre 2004, le chancelier fédéral Schröder s'est rendu à Alger, ce qui fut la première visite d'un chancelier allemand depuis 30 ans et une étape importante dans le développement des relations germano-algériennes. En 2005, les importations de l'Allemagne en provenance d'Algérie se sont élevées à 1,6 milliard d'euros, alors que ses exportations vers l'Algérie se sont chiffrées à 1,1 milliard d'euros. Cela fait de l'Algérie le 5e partenaire commercial de l'Allemagne dans le monde arabe (après les Emirats arabes unis, l'Arabie Saoudite, l'Egypte et le Koweït). Les investissements directs allemands des dernières années représentent environ 350 millions d'euros au total. Ils comprennent plusieurs opérations conjointes (par exemple : Henkel, Knauf, Linde, Messer, Siemens, ZF). Le directeur général de la Chambre algéro-allemande de commerce et d'industrie, M. Andreas Rotter a révélé récemment que les opérateurs économiques algériens sont actuellement en négociations avec leurs homologues allemands pour effectuer des investissements en Algérie. Des investissements d'une valeur estimée à 1 milliard d'euros, et consisteront en des projets dans le secteur de la mécanique, des ressources hydriques, de la chimie et du transport par voie ferroviaire. Ces investissements viendraient consolider la présence allemande en Algérie qui compte jusqu'ici 110 entreprises. Meziane Rabhi