Le pouvoir d'achat des Algériens est en constante dégringolade. Un constat que viennent renforcer les experts du Cnes dans le cadre du 6e rapport national sur le développement humain. Sur la base des données fournies par l'Office national des statistiques (ONS) sur la rémunération, le chômage et l'inflation, ces experts situent la moyenne annuelle de baisse du pouvoir d'achat du salaire moyen à 1,7% depuis 2001. Le gouvernement trouve à l'arithmétique des vertus insoupçonnées pour convaincre le citoyen que son pouvoir d'achat s'améliore en dépit d'une flambée des prix, aujourd'hui difficilement maîtrisable. Parole de ministre ! Tayeb Louh, chargé du département du Travail et de la Sécurité sociale, ne s'arme même pas de prudence ne serait-ce que pour relativiser une situation de véritable dégradation du pouvoir qui s'installe de façon perceptible en Algérie. Bien au contraire, il lui oppose un séduisant démenti de chiffres justes bons à soigner des statistiques officielles en net décalage de la réalité du terrain. Le ministre, en effet, annonçait, jeudi dernier, lors d'une conférence de presse, que le pouvoir d'achat du citoyen algérien s'est amélioré de 66,2% entre 1999 et 2007. Il expliquera cette amélioration par l'évolution du Salaire national minimum garanti (SNMG), indiquant, en ce sens, que le taux moyen d'évolution annuelle du pouvoir d'achat et de 6,6%. Comme il précisera que le revenu disponible des ménages a connu un accroissement moyen de près de 10%. Tayeb Louh, détrompons-nous, ne s'illustre, loin s'en faut, par aucune singularité, puisque tout naturellement il s'est inscrit dans un discours officiel ambiant qui tient mordicus à dire que l'Algérie réalise un taux de croissance économique de 5% en moyenne. Ce qui permet une nette hausse du pouvoir d'achat des citoyens, notamment avec un taux d'inflation de 2%. Autrement dit, l'Algérien qui a la chance d'échapper aux affres du chômage a le pouvoir, avec un salaire minimum garanti de 12 000 dinars, de subvenir à ses besoins alimentaires qui grignotent quand même près de 45% de son revenu. Et avec le reste, autant dire à peine un peu plus de 6 000 dinars, faire face confortablement à ses dépenses en santé, en éducation… à payer son loyer, sa redevance en gaz, électricité, eau potable et pourquoi pas, pendant qu'on y est, se payer des vacances en bord de mer. On voudrait bien y souscrire, faudrait-il encore bannir de ce tableau idyllique certaines données qui assombrissent quelque peu les projections officielles. Comme par exemple, celle qui rend vraiment hypothétique la possibilité du citoyen à nourrir sept bouches en moyenne avec les 12 000 dinars que lui garantit l'Etat. Là, l'arithmétique devient moins séduisante, surtout quand on réalise qu'avec la flambée actuelle des prix des fruits et légumes ainsi que des produits alimentaires de base, le citoyen doit se contenter, invariablement et chaque jour que Dieu fait, de lait rationné à un demi-litre pour chacun des sept membres de sa famille, 7 baguettes de pain, trois kilos de patates bouillies à l'eau (considéré longtemps et peut-être à tort le refuge des pauvres), et suprême dépense un kilo de tomates et un autre de courgettes pour assaisonner le tout. Un simple calcul d'épicier nous donnera une facture alimentaire quotidienne incompressible de 280 dinars. Déjà, un salarié à 12 000 dinars, qui trouve un luxe à acheter de l'huile de table, du sucre, du café, et les autres ingrédients de cuisine et arrive donc à s'en passer doit pour faire survivre sa famille, dépenser mensuellement la bagatelle de 8 000 dinars. Et c'est malheureusement loin d'être caricatural. Quand on sait que les dernières statistiques parlent de près de 7 millions de personnes en Algérie vivant sous le seuil de la pauvreté, on n'hésite pas à dire que le gouvernement de Belkhadem se complaît dans une véritable fiction. Une fiction qui laisse, tout de même, la latitude au smicard de payer mensuellement 2 000 dinars de loyer pour un logement socio-locatif, 1 000 dinars pour l'eau potable, au bas mot 2 000 dinars pour l'électricité, au moins autant pour le gaz. Et avec autant d'argent (12 000 dinars) (sic) selon l'arithmétique gouvernementale, ce même smicard peut, dans l'Algérie des années 2000, avoir accès à la propriété du logement avec un apport personnel, faire dans l'épargne, demander un crédit pour une voiture, aller en vacances lors de son congé payé, se payer un portable et pourquoi pas, suprême coquetterie, se payer un dessert de fruits exotiques… (On ne sait plus s'il faut en rire ou en pleurer). 68,2% des ménages, nous disent les experts du Conseil national économique et social, ont contracté un emprunt. 46,43% d'entre eux consacrent les sommes empruntées aux dépenses courantes en raison, probablement, de la faiblesse des revenus et près du tiers (31,6%) des ménages algériens s'endettent pour des dépenses courantes. Autant dire que le pouvoir d'achat des Algériens, contrairement à ce que veut bien le faire croire le gouvernement, est en constante dégringolade. Un constat que viennent renforcer les experts du Cnes dans le cadre du 6e rapport national sur le développement humain. Sur la base des données fournies par l'Office national des statistiques (ONS) sur la rémunération, le chômage et l'inflation, ces experts situent la moyenne annuelle de la baisse du pouvoir d'achat du salaire moyen à 1,7% depuis 2001. Avouons qu'on est bien loin du taux annuel d'amélioration du pouvoir d'achat (6%) avancé, jeudi dernier, par le ministre du Travail et de la Sécurité sociale. Zahir Benmostefa