De la hausse des revenus pour des millions de travailleurs, aux fruits de la mise en œuvre du plan de relance, tels sont les dividendes attendus en 2008. Mais le spectre de la hausse des prix des produits de base et celle de certains tarifs publics pèse, interpellant l'Etat sur la nécessité de répondre aux préoccupations majeures de la population. Les perspectives du pouvoir d'achat à court terme Entre augmentation des salaires et hausse des prix L'Exécutif sera très attendu sur les questions de création d'emplois, en particulier pour les jeunes, et de la mise à niveau. Le plan de relance devrait amorcer sa montée en puissance en 2008. De nombreux projets, notamment dans le rail, seront lancés. C'est surtout au courant de l'année 2008 que les fonctionnaires, à l'issue de l'achèvement de la mise en place des statuts particuliers, verront leurs salaires augmenter. Abdelmadjid Sidi-Saïd a assuré que l'application des augmentations prévues des salaires de l'ensemble des travailleurs de la Fonction publique interviendra le 1er janvier prochain. En cas de retard dans l'élaboration des statuts, les augmentations se feront avec effet rétroactif. C'est une bonne nouvelle pour des milliers de travailleurs. Cependant, le spectre de l'inflation qui plane, avec la montée en cadence des dépenses publiques, et en l'absence d'une offre locale suffisante, risque de rendre inopérantes les augmentations des salaires. Notre pays est entré dans une zone de turbulences dans ses relations avec l'économie mondiale, laquelle devient de plus en plus inflationniste. La hausse généralisée des prix des produits essentiels à travers toute la planète (blé, lait, huile, acier…) s'est répercutée bien entendu sur notre balance commerciale, obligeant nos autorités à réagir bien maladroitement pour contenir le phénomène. Agissant en pompiers pour désamorcer de prévisibles tensions sociales, les pouvoirs publics risquent néanmoins de voir la question du lien entre prix et salaires rebondir très certainement, car les solutions conjoncturelles n'agissent pas sur les bonnes causes et nécessiteront des sommes considérables qui auraient été mieux employées au soutien d'une politique de l'offre au profit des entreprises de production de biens et services exerçant en Algérie et offrant de l'emploi à des Algériens. S'il y a un secteur où l'Etat doit mettre la main à la poche, c'est bien celui de la promotion de l'entreprise, de la création de valeurs, de l'encouragement de la création d'emplois et de l'amélioration du climat des affaires. D'où la nécessité de lancer, en 2008, un vaste programme de mise à niveau, dans le sillage de la mise en œuvre de la stratégie et des politiques de relance du secteur industriel. D'autant le démantèlement du reste des lignes tarifaires relatives aux produits industriels, figurant au tarif douanier, est effectif depuis septembre 2007, conformément aux dispositions de l'accord d'association avec l'Union européenne. En 2008, un nouveau redéploiement du secteur public sera mis en œuvre. Le Conseil de gouvernement a examiné le redéploiement et la restructuration du secteur public marchand à la lumière de l'expérience accumulée et des exigences de la stratégie industrielle. Mais le communiqué du conseil ne précise pas si le nouveau schéma est adopté ou pas. La seule incertitude en matière de privatisation concerne le CPA et, par ricochet, celle de la BDL. Au-delà du document portant stratégie industrielle, beaucoup de questions restent en suspens et touchent aux financements nécessaires, aux modes de soutien et de mise à niveau des entreprises, au processus de privatisation… Les orientations de la nouvelle stratégie industrielle définies, puis enrichies par le dialogue avec les partenaires économiques concernés, constituent indubitablement une contribution stimulante à la réflexion sur le développement de l'Algérie. C'est toutefois dans leur mise en œuvre, au jour le jour, que se testeront leur validité et la réalité de leurs promesses. En matière d'augmentation des prix, l'assurance auto coûtera plus cher en Algérie en 2008, selon les compagnies d'assurances qui annoncent une hausse des tarifs de la responsabilité civile auto. Et le dossier sur les tarifs de l'électricité reste posé. Par ailleurs, en janvier la Coface établira un nouveau risque pays. En mars, le FMI rendra publique son évaluation de la situation économique et sociale. Meziane Rabhi En vue de maintenir les prix du pain, du lait et de la semoule en baisse, l'Etat déboursera 17 000 milliards de centimes en 2008 L'année des subventions Les mesures pour accroître l'offre de produits agroalimentaires d'origine locale restent très timides et lentes dans leur mise en œuvre, aggravant la dépendance alimentaire de l'Algérie vis-à-vis des marchés extérieurs. La compensation reste la seule solution choisie par le ministère du Commerce afin de réduire un tant soit peu les méfaits de la flambée des prix de certains produits à l'international pour l'année 2008. L'Etat a dégagé donc un budget conséquent pour payer le différentiel entre le prix de revient à l'importation de ces produits notamment des matières premières et les produits finis. Ces enveloppes consacrées seront maintenues tant que les tarifs sur le marché mondial demeureront à la hausse. Le gouvernement a décidé ainsi de subventionner les prix de la semoule, dont la consommation annuelle avoisine les 24 millions de quintaux (q). Ce qui nécessite plus de 32 millions de q de blé dur. Pour cela, les pouvoirs publics débourseront 90 milliards de DA. Concernant le blé tendre, l'Etat consacrera un montant estimé à 55 milliards de DA. Pour rappel, l'Etat vient de fixer les prix de la semoule. Le prix du quintal de semoule courante est ainsi arrêté à 3 250 DA sortie d'usine et celui du quintal de semoule extra à 3 500 DA sortie d'usine. Le quintal de semoule courante sera cédé aux détaillants au prix de 3 400 DA (150 DA de marge bénéficiaire de gros) pour qu'ils le revendent au consommateur final au prix de 3 600 DA (marge de détail de 200 DA). Pour la semoule extra, le prix de cession au détaillant sera de 3 700 (marge de gros de 300 DA) et le prix consommateur 4 000 DA (marge de détail de 300 DA). Ces prix sont applicables, dans les mêmes proportions, aux semoules de blé dur conditionné dans des emballages de 25 kg, 10 kg et 5 kg. À titre d'exemple, le prix public du sac de 25 kg est fixé à 900 DA pour la semoule courante et à 1 000 DA pour l'extra. Pour la consommation de plus d'un milliard de litres de lait nécessitant 110 000 tonnes de poudre, il est fixé une somme évaluée à 23 milliards de DA. L'Algérie importe globalement quelque 100 000 tonnes/an de poudre de lait destinée à la production du lait pasteurisé en sachet. Ce qui coûte au Trésor public entre 550 et 600 millions de dollars. Les opérateurs privés ont introduit environ 5 000 tonnes de poudre de lait à partir d'Argentine, de France, des Pays-Bas, de l'Ukraine… Le gouvernement a décidé ainsi de prolonger l'aide de 15 DA/sachet de lait produit par les fabricants pour les mois de novembre et de décembre. Le prix de revient du kilogramme de poudre de lait arrivée à Alger est de 360 DA. L'Office du lait (Onil) l'achète à ce prix et la vend aux transformateurs à 159 DA/kg. Le différentiel soit 201 DA est pris en charge par les pouvoirs publics. Toutefois, le producteur est tenu de vendre le sachet à 23,35 DA, prix d'usine. Et le consommateur l'achète à 25 DA. Il faut noter que toutes ces dépenses coûteront au Trésor public la bagatelle de 170 milliards de DA, soit l'équivalent de 2,3 milliards de dollars. Toutefois, la tutelle espère que les prix connaissent l'année prochaine une baisse comme c'est le cas pour la poudre de lait. Le prix de la tonne de cette matière première a connu, en effet, une baisse de 6 000 dollars à 4 000 dollars. Une chose est certaine, le département de M. Djaâboub compte beaucoup sur la mise en place d'un fonds de stabilisation des prix, soit par cette compensation en amont ou en aval par l'exonération des droits et taxes. Pour le lait en sachet, le pain et la semoule, l'Etat maintiendra de ce fait sa subvention pour fixer les prix à respectivement 25 DA, 8,5 DA et 4 000 DA même si les cours à l'international continuent à augmenter. Reste à savoir quel comportement suivront sur le marché en 2008 d'autres produits notamment la pomme de terre, dont les prix ont atteint des proportions telles que le consommateur l'a supprimé de ses différentes recettes. Le ministère de l'Agriculture trouvera-t-il les solutions idoines pour que le tubercule cher aux ménages soit accessible ? Badreddine KHRIS Amélioration des conditions de vie Le métro, l'eau h24 et le malaise des postulants au logement Si les pouvoirs publics tiennent leurs promesses, le métro circulera à Alger à l'automne 2008 pour la première fois dans l'histoire du pays. Et des centaines de milliers de travailleurs et d'étudiants pourront dès septembre emprunter des trains beaucoup plus rapides d'Alger jusqu'à Boumerdès (à travers une sorte de RER de la banlieue d'Alger). La réception de la Rocade-Sud au cours de l'été devrait faciliter la circulation à la périphérie d'Alger. Toujours dans la capitale, l'achèvement prévu en début d'année de l'usine de dessalement de l'eau d'El-Hamma et des travaux de transfert d'eau à partir du barrage Taksebt devraient permettre d'approvisionner la population du centre du pays H24. Si pour des milliers de postulants aux logements notamment sous la formule location-vente, l'attente n'a pas été vaine. Ils pourront accéder au logement dans les prochains mois, d'autres milliers à travers le territoire national devront encore patienter au moins un an. Encore une fois, les pouvoirs publics ne bougent pas assez pour que la réception de dizaines de milliers de logements soit beaucoup plus rapide. L'année 2008 devra connaître également la montée en cadence en matière de mise en œuvre du plan de relance. C'est une année décisive, car elle déterminera le succès de ce plan et, partant, d'être davantage fixé si les engagements du chef de l'état seront tenus. Cela va de l'autoroute Est-Ouest, l'achèvement de grosses usines de dessalement, d'un million de logements à la création, d'un million d'emplois permanents au moins. À fin 2008, la disponibilité en eau en particulier sera meilleure pour des millions d'Algériens, la gazéification du pays beaucoup plus avancée. Mais attention, des pressions vont s'exercer en vue de la hausse notamment des tarifs de l'électricité, des prix des carburants à la pompe. Si l'Etat n'intervient pas promptement en appliquant des mesures adéquates pour préserver le pouvoir d'achat de la majorité de la population et encourager la création d'emplois tous azimuts pour les jeunes, on va vers une crise sociale, à la veille de l'élection présidentielle. R. E.