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Cap sur Tamanrasset (I)
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Nos bagages sont simples des jeans, un chèche, des godasses et de gros pulls, car en cette période, il fait très froid dans le Hoggar. Nous avons effectué le trajet Alger-Tam plusieurs fois en avion, mais par route, c'est la première fois que nous le faisons et nous sommes toutefois inquiets de l'état de la chaussée. Nous vérifions une dernière fois notre attirail en insistant sur les documents officiels et les provisions. En ce 29 décembre 2009, il fait un temps splendide et le soleil darde ses rayons tous azimuts ; il est 11h et nous sommes à la gare routière de Blida pour prendre un taxi en direction de Ghardaïa. Devant nous, il y a une flopée de taxis jaunes toutes directions confondues. «Par ici Djelfa», crie un chauffeur, «il reste deux places pour Oran», lui répond un autre ! Nous nous renseignons auprès d'un vendeur de casse-croûtes sur les départs en direction de Ghardaïa. «Dis-moi frère où peut-on trouver un taxi pour la capitale du M'Zab ?» «Ah ! c'est trop tard pour Ghardaïa, il fallait venir avant 9h, ils sont tous partis». Un rabatteur qui a assisté à l'échange de mots s'approche de nous : «Je vous conseille de prendre un taxi à destination de Laghouat et de là, vous prenez un bus pour Ghardaïa ! Vous partez où au fait ?» A Ghardaïa, nous répondîmes en chœur ! «Ali, Ali ! Tu as trois places pour Laghouat ?», lance le rabatteur. Le chauffeur de taxi vient vers nous et nous aide à mettre les bagages dans la malle de la voiture. Nous sommes pour l'heure cinq personnes, et dès que le sixième client arrive nous partons, nous avise le chauffeur. Dans la gare routière, c'est la ruée vers les bus et les taxis. Les gens convergent de partout dans l'espoir de trouver un moyen de transport adéquat. Arrive, enfin, le client tant attendu qui va nous permettre de démarrer. Nous embarquons dans une 404 familiale, serrés comme des sardines, et avant le départ, le chauffeur exigea d'être payé d'avance, nous nous sommes regardés avec surprise et, à cet instant, le conducteur voyant notre mine répliqua : «Je suis désolé de vous faire payer d'avance, mais sachez que bon nombre de chauffeurs de taxi se sont fait avoir et pour cause, moi-même quelques fois». Nous payons 600 DA par place et par personne. Il est 12h15 quand nous prenons enfin le départ à destination de Laghouat. Après avoir traversé les gorges somptueuses de la Chiffa, nous entamons la montée vers Médéa. De part et d'autre des gorges, coulent de très belles cascades d'eau cristalline qui vous donnent envie de boire tellement elle est limpide. Les singes magots presque agressifs se tiennent à l'écart de la circulation et ne ratent aucun moyen pour vous prendre des mains bananes et autres fruits que les visiteurs sont nombreux à offrir à ces primates. Après Médéa et Berouaghia, nous atteignons Ksar-El-Boukhari à 14h. Dépassant Bouguezzoul la nouvelle ville, Ain-Oussara, Hassi Bahbah, nous nous arrêtons à Djelfa pour nous soulager et prendre un bon café pour la suite du parcours. Nous reprenons place dans le taxi et les langues commencent à se délier. Mohamed Hocine, éducateur spécialisé de son état, parle de la cherté de la vie : «Chez nous à Laghouat, les lentilles coûtent 200 DA quant aux agrumes, oranges et clémentines, elles sont inaccessibles entre 180 et 200 DA. Il est 17h53 quand nous atteignîmes Laghouat ; le taxi s'arrête devant la gare routière de la ville et le chauffeur de taxi nous fait ses adieux nous indiquant les bus qui vont sur Ghardaïa. Le départ se fait à 18h et l'arrivée prévue à 20h30. Pour rejoindre la capitale du M'Zab, on passe par Berriane et Hassi R'mel, un long détour, car la route que nous devions emprunter est en train de subir une réfection, selon les voyageurs. Il est 20h50 quand nous arrivons dans la perle de la vallée du M'zab. Après un repas très léger et un bon café pour nous remonter le moral, nous réservons nos places pour Tamanrasset. C'est une entreprise privée de transport qui assure des rotations quotidiennes entre Ghardaïa et Tam pour 2 000 DA la place. Le départ est annoncé pour 22h, mais il est 22h30 et le bus ne démarre toujours pas. Enfin, le contrôleur procède à l'oblitération des billets et on part. Selon lui, l'arrivée à Tam se fera le lendemain vers 16h. Faire ce trajet en passant par In Salah, les gorges d'Arak, In Iker, Moulay Lahcene, n'est pas une sinécure compte tenu des difficultés inhérentes à la route, sans compter le fait de rouler de nuit. Les transporteurs qui font cette liaison de jour comme de nuit ne prennent le départ que lorsque les deux chauffeurs sont présents afin qu'ils se relayent pour la conduite. Aussi, afin de casser la monotonie, un téléviseur diffuse film sur film pour permettre aux voyageurs qui ne sont pas déjà dans les bras de Morphée d'égayer leur solitude. La première étape, Ghardaïa El-Ménéâ, longue de 300 km s'est faite sans encombre et nous sommes disposés à affronter la suite du voyage malgré la fatigue qui commence à se faire sentir. Le bus s'arrête devant un café et tout le monde se précipite pour se dégourdir les jambes, se soulager et se ravitailler en boissons chaudes ou fraîches pour affronter le reste du chemin. En quittant El-Goléa, le receveur nous invite à tirer les rideaux, car sur ce tronçon des délinquants ont l'habitude de caillasser les bus qui passent sur cette route. Mais rien n'arrive, fort heureusement ! Il nous reste 400 km pour atteindre In Salah et des voyageurs se préparent pour dormir, d'autres discutent, le chauffeur et le receveur alimentant la discussion sur les éventuels exploits de l'équipe nationale. Je voudrais dormir, mais impossible d'arriver à fermer les paupières, il fait tout de même assez froid et bien qu'emmitouflé d'un chèche et d'un bonnet en laine, je tremble de froid. Autant rester éveillé, on ne sait jamais. Mes paupières s'alourdissent au fur et à mesure que le bus avance, et dans l'obscurité totale, de temps en temps une plaque de signalisation indique le passage de dromadaires. Il faut savoir que ces animaux, en traversant la route, sont à l'origine de nombreux accidents mortels dans ces endroits retirés du monde.
Le chauffeur avance inexorablement sur une route qui file tout droit, sans aucun virage en vue. Parfois, on est fortement ballotté quand le bus traverse des petits tronçons où le goudron a disparu et là, le conducteur, qui connaît sur le bout des doigts cette route, se fraye son chemin en faisant de véritables slaloms pour éviter les nids de poule qui se comptent par dizaines sur un parcours de 20 km, selon les habitués du trajet. A 7h, nous rejoignons In Salah après avoir fait 700 km d'un seul trait, et malgré la fatigue qui se lit sur nos visages, nous sommes heureux de se trouver dans cette contrée très hospitalière et néanmoins fascinante par ses dunes de sable doré et la gentillesse de sa population. Nous disons au revoir à Salah Eddine qui descend à In Salah, sa ville natale. C'est un jeune technicien en agriculture qui vient de bénéficier d'un terrain de 17 ha qu'il a planté en arbres fruitiers, dont des oliviers. Nous changeons de bus et nous reprenons la route, il nous reste 698 km pour rejoindre Tamanrasset. Au fur et à mesure que nous avançons, des paysages majestueux surgissent : des dunes à perte de vue et des regs (rocaille) qui vont du gris au blanc en passant par l'ocre. Après cinq heures de trajet, nous traversons les féeriques gorges de l'Arak. D'une longueur de 10 km, elles vous donnent le tournis tellement ces masses de pierres, d'un rouge- noir foncé, sont imposantes. Le chauffeur daigne s'arrêter pour nous permettre de vivre quelques instants de délectation et d'étonnement tant ces gorges sont charmantes et pittoresques. Les uns prennent des photos, les autres font la prière du d'hor. Le klaxon du bus retentit, c'est le signal du départ. Après avoir grimpé la côte de l'Arak, le bus traverse cette fois-ci un plateau où des pierres gigantesques sont posées comme des statues. Au cours de cette traversée, le paysage change des dizaines de fois avec des couleurs qui apportent à cet environnement une palette impressionnante. Malgré la fatigue, nous écarquillons les paupières pour ne rien perdre de cette beauté naturelle.
Le bus fait une halte devant une station de fuel pour faire le plein et les voyageurs sont invités à descendre pour se restaurer dans une petite auberge. Ce restaurant est un lieu très connu et très prisé par les usagers de la route, car on peut manger, se débarbouiller et/ou faire sa prière. Tamanrasset n'est qu'à 300 km. Le bus file tout droit maintenant et rien ne nous retient. Après avoir traversé In Iker, In Amguel, Tit et Outoul nous entrons dans Tamanrasset à 16h.
Durant ces dernières années, la ville de Tamanrasset a connu un développement tous azimuts, à peine sommes-nous arrivés qu'il nous été presque impossible de reconnaître la ville du fait de ses dimensions gigantesques ! Il a fallu demander où se trouvait le centre-ville eu égard aux nombreuses constructions qui jalonnent notre chemin. Le bus nous a déposé à la station et nous accostons un jeune : «dis moi, mon frère, où est le centre-ville ?» «Tu es loin, il faut arrêter un taxi, tu lui indiques le secteur que tu cherches. Fais signe à n'importe quel véhicule, la course est à 50 DA». Après un quart d'heure, enfin une voiture s'arrête devant nous. C'est un clandestin, on grimpe en vitesse : «Nous cherchons le café de Rabah 44» «Oui, je le connais», rétorque le conducteur. Après une bonne dizaine de minutes, le taxi stoppe devant le café. Pour l'histoire, Rabah 44 est un commerçant de Aïn Defla qui s'est installé dans les années 1970 à Tamanrasset. C'est un homme d'un charisme extraordinaire et d'une grande bonté. Son commerce est installé sur la rue principale et sert de lieu de rencontre à tous les nordistes qui habitent Tam.
Son café maure est réputé pour le thé que l'on déguste le soir à l'ombre des tamaris séculaires. Nous nous attablons, commandons un thé que le garçon ramène, nous lui demandons où est Rabah 44. «Comme toujours il se trouve dans le désert mais il ne va pas tarder à venir», nous répond-t-il.
(Lire la suite du reportage
dans notre édition de demain)


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