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Fuite du Sud, rêve du Nord !
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 03 - 06 - 2009

Comme le montrent des reportages ou documentaires de quelques chaînes de télévision qui ont le souci d'être autre chose que des entreprises nationales ou internationales de transformation de la vérité, de journaux qui ont le souci de l'objectivité et de l'honnêteté, les migrants du Sud vers le Nord ne sont pas toujours transbordés sur des bateaux de croisière.
Ceux qui ont obtenu les faveurs d'être reçus dans des pays éloignés et avancés ont un peu plus de chance: ils le font au moyen d'avions sur des vols doublement intercontinentaux.
Après une batterie de questions existentielles, des questions sur le sort que leur a réservé la vie et le constat amer que les réponses sont ailleurs, certains migrants disent ou se le disent: mort pour mort autant mourir libre dans un pays libre ou vivant un cauchemar sur nos terres, nous ne devons de faire l'effort pour vivre heureux, et même s'il sera court, un laps de temps de notre existence.
La délivrance ? Arrivés sur ces terres anonymes portant des noms propres célèbres, les migrants, dans leur première leçon, en faisant leurs premiers pas sans forcément penser qu'ils sont en train de refaire un cours qu'ils ont déjà suivi chez eux quelques mois après leur naissance reçoivent la première gifle. Ces premiers pas qui appellent les premières gifles... Et leurs premières larmes rejoindront les flots de l'Hudson, du Niagara, de la Seine ou du Tiber.
Les premiers pas, les pas suivants: d'autres leçons; le choc des prétentions et des préjugés
Dans ces pays d'accueil, un nom est très célèbre: l'armée du salut. Le premier mot rappelle pour pas mal d'immigrants des souffrances, des tortures; son complément renvoie dans certains exemples de pays d'origine à la même contenance que le nom. Alors qu'ici à la différence de l'ailleurs, l'armée du salut est synonyme de générosité, de bonté. Les immigrants estomaqués par les premières vérités de leurs nouvelles vies vont fréquenter ces organismes caritatifs alimentés par les finances publiques, de généreux donateurs et même les firmes qui pillent les foyers de ces migrations.
Dans ces files de la quémande où se mêlent Africains, Latino-Américains et dans une faible proportion les Asiatiques et de tous âges; les niveaux socioprofessionnels sont arasés, les beautés oubliées. Ces hommes et femmes mus par l'instinct de survie deviennent réellement égaux. Une égalité visible sur des visages à mines défaites, qui s'exprime par des silences lourds sous diverses formes de pudeur. Dans ces files, experts, ingénieurs, professeurs, sans diplômes et analphabètes dessinent la mosaïque des affligés de la terre.
La disproportion des effectifs par origine régionale, pour ne pas écrire race, permet la mesure à l'œil de l'indice de solidarité intracommunautaire. Moins d'hommes et de femmes par «origine», plus grande, plus forte est la solidarité dans cette catégorie. L'inverse montre, implicitement, les pays pourvoyeurs de flux migratoires où l'état de dislocation sociale est maladif, les pays déculturés où l'abc de l'entraide et de la fraternité a déguerpi.
Pour toute illustration, penser à une connaissance de son village, de son pays et dire dans sa langue maternelle: «mon frère, ma sœur, mon ami vivent là-bas». La bonne mesure est dans la bouche de ces mères et pour cacher des douleurs atroces disent avec joie que leurs enfants vivent en Occident et qui ne pensent pas une seconde ou n'arrivent pas à les imaginer dans ces files de la détresse. Pour certains immigrants qui «roulent les mécaniques» parce qu'ils sont surdiplômés, polyglottes ou jouissent d'une grande notoriété chez eux ou tout simplement par manque d'éducation, ces processions sont leurs classes pour une plus grande humilité. Si cette leçon est apprise, elle devient une chance pour satisfaire leurs espoirs et peut-être rejoindre cette minorité que forment les humanistes.
La recherche du minima de la dignité, le choc des préjugés et des prétentions
Le travail comme élément fondamental pour la dignité de l'individu est par sa recherche, plus qu'une leçon, un module où le choc des prétentions et préjugés est aussi violent que le choc des plaques tectoniques de ces continents pourvoyeurs et récepteurs d'immigrants. Pour les diplômés, leurs prétentions avérées ou non de compétences butent souvent sur les préjugés des recruteurs qui pensent souvent, et sans le dire, que ces cadres au lieu de prendre leurs livres, leurs formations, leur savoir, et le maître d'Alger excusera cette phrase, ont fait dans leurs cartables. Pourtant, le logiciel utilisé à Lagos et le théorème de Pythagore sont universels. A ces préjugés, il faut ajouter et c'est une autre gifle, le pragmatisme, l'efficacité dont les recruteurs font preuve dans la sélection: pour eux il s'agit de combler un besoin de main-d'oeuvre bien précis, le souci du profit étant la règle, la perte de temps pour l'intégration de cet immigrant étant à éviter.
Si la préférence nationale s'en mêle, la chance sera pour une prochaine fois. Ces pays d'accueil offrent une panoplie de moyens d'intégration aux immigrants en quête d'un mieux-vivre: la reconversion. Celle-ci constitue un tremplin pour certains, un désastre pour d'autres. Elle est tremplin pour ceux qui jouent avec plusieurs cartes de compétences, qui ont «assimilé les règles de bienséance», un désastre pour les professionnels de ces métiers encadrés, barricadés par des conseils de l'ordre qui poussent des médecins à devenir des taxieurs, des pharmaciens à devenir des dépressifs-dépressif à comprendre comme travail puisque cette maladie permet à celui qui en est atteint de gagner de l'argent -. Ce n'est pas du cynisme, c'est une vérité reformulée après un tête-à-tête avec la directrice générale d'un organisme américain pour l'insertion des cadres.
Dans ce tableau sombre, il y a des exceptions: pour les évacuer rapidement, les immigrants qui viennent avec beaucoup de «pognon». Il y a ceux qui ont tiré, à leur naissance, la bonne carte - chance -, ceux qui acceptent de faire «n'importe quoi» pour peu qu'il leur assure la croûte ou la mie du pain, ceux qui ont fait des rencontres heureuses. L'addition de toutes ces exceptions donne toujours une minorité. Pour résumer: pour certains immigrants, après la pluie, le beau temps; pour d'autres, après la pluie, la crue. L'impossibilité d'affronter l'échec, la peur de rentrer dans leur pays pour causes d'insalubrités politiques, culturelles les font sombrer et qui, dans leurs moments de «lucidité» par la beuverie, crient: «père, mère, frères, je vous aime». C'est ce qui fait dire à Emrock, Haïtien, que «ces pays font dans l'importation de l'humain». Dans ce troisième millénaire, les immigrants post mouvements de libération sont remplacés par des cyber-immigrants. Le porte-manger pour nourriture conditionnée sous vide a remplacé la gamelle.
La conjoncture mondiale, les politiques, l'aggravation des tensions internationales
Un ingénieur argentin licencié de chez Bombardier: « Cela fait vingt-huit ans depuis que je suis ici. Je n'ai jamais vu une telle crise». Cette dernière a pris la forme d'un bombardier, la répétition est volontaire, immensément grand. Les guerres, les dictatures de tout acabit ne sont pas là pour mettre du bleu sur les horizons. Sur le continent américain, dans son Nord avancé, dans certaines communautés, les taux de chômage dépassent les 30%. Les conséquences premières sont l'explosion des couples, les renfermements communautaires. Ces milieux deviennent des terreaux électoralistes pour des candidats qui tirent les ficelles, des foyers de crise qui alimentent les racismes, les xénophobies, les ostracismes. Quelques années plus tard, les débris des céramiques d'Iznik joncheront le Jardin de la paix. Il est entendu que cette crise n'épargne pas les natifs de ces pays. A chaque cautère financier souhaité par les pouvoirs politiques pour alléger la douleur des victimes, les libéraux crient au scandale de l'aggravation des déficits publics. Les sommités mondiales de l'économie qui soutiennent qu'en temps de crise, les déficits publics pour cause de soutien aux peuples doivent être tus n'ont pas droit de cité dans les médias. De là à être invités à formuler leurs propositions dans les assemblées élues, c'est quasiment hérétique. Dans ces turbulences, les travailleurs sont mis dans des positions intenables par les managers exécutifs des géants de l'industrie, ces perpétuelles sangsues. Des Radouane Osmane manquent terriblement.
A une question de la primauté de la confiance des citoyens électeurs envers les gouvernants sur celle des consommateurs (retour de la confiance) prônée par les dirigeants occidentaux pour «sortir rapidement de la crise» et dans sa réponse «contorsionnée», dans une conférence donnée au CERIUM (1), Lionel Jospin, ancien Premier ministre et chef du gouvernement français, l'a jugée «primordiale». A défaut, à une violence pandémique, s'ajoutera une autre couche qui, cette fois-ci, sera comprise, pis encore justifiée.
Dans le sens de pressions accrues sur les dictatures pour une plus rapide et large démocratie sur la planète, à une question, qui n'est pas forcément la pensée de son auteur-soit dit en passant -, sur l'exclusion des dictatures de l'Assemblée générale des Nations unies, dans une conférence au CORIM (2), à l'UQAM (3), Lakhdar Brahimi, ancien ministre des Affaires étrangères algérien et ancien secrétaire général adjoint à l'ONU, pense qu'il ne s'agit pas de la bonne solution. Pour lui, l'Organisation des Nations unies doit être et demeurer un instrument universel pour la résolution des conflits. Est-ce que le siège d'une dictature à l'ONU n'est pas une forme de sa légitimation ? Certains politiciens disent que l'ONU accueille des pays et non des régimes. Est-ce que quelqu'un se rappelle du qualificatif dont a affublé le général De Gaulle la Société des Nations (SDN), ancêtre de cette organisation ? Ces hommes politiques et d'autres comprennent et expliquent les raisons et causes des déséquilibres mondiaux et les conséquences directes, les mots peuple et nation étant presque bannis du vocabulaire, sur les sociétés. En dehors des discours, que font-ils ou que peuvent-ils faire concrètement ? Rien ou peu.
Une humanité déchirée : des bidonvilles du Sud aux ghettos du Nord
Thierno, étudiant sénégalais: «Dakar, ses faubourgs, ses plages et couleurs bariolées me manquent beaucoup. Ma famille, mes amis plus.» La descente aux enfers des habitants du Sud est matérialisée par les bidonvilles et les épidémies. Les ghettos du Nord sont les premières marques des souffrances des migrants. Ils sont facilement repérables: des lignes de bus ou de métro bondés quelle que soit l'heure de la journée ou de la nuit; des patrouilles de police ou de gendarmerie sont en mouvement permanent. Des crimes et délits sont quotidiennement rapportés par les tabloïds et canards locaux; les causes et origines rarement cernées.
Ces faubourgs, c'est rarement écrit, sont aussi repérés par les manifestations et symboles de joies et tristesses puisés des terroirs identitaires et culturels, une conséquence dans une certaine mesure du non-respect des droits et conventions internationaux des droits des humains.
Dans les pays avancés, les causes de ces flux migratoires sont toujours ramenées aux particularismes politiques et économiques, certes inhumains, des pays d'origine jamais au nivellement des valeurs, des niveaux d'instruction et de développement individuel et familial. Emmanuel Todd et Youssef Courbage en ont fait la démonstration. Certains migrants sont dans une optique de développement d'échanges au profit de tous les humains, de participation à cette dynamique mondiale de la paix et Dahmane, s'il était là, l'aurait confirmé. Un processus qui démentirait Abelatif Bounab, cet immense dramaturge algérien qui a dit: «Une boîte de conserve est plus libre qu'un humain».
Ces derniers jours de mai, au Chili, l'assassin présumé de Victor Jara, à qui la légendaire troupe Debza a rendu hommage, a été arrêté; au Canada, un Rwandais accusé de crimes contre l'humanité est écroué; à Alger, Boussaad Ouadi, en plus du chômage dû à la fermeture de la librairie des Beaux-Arts, risque d'être traîné devant les tribunaux... En faisant une imbrication de tous ces éléments, cet Américain trouvera la réponse à sa cinglante question: «Si vous êtes tous des ingénieurs, techniciens, pourquoi ne restez-vous pas dans vos pays pour les développer ?»
1. CERIUM: Centre d'études et de recherches internationales de l'université de Montréal.
2. CORIM: Conseil de relations internationales de Montréal.
3. UQAM: Université du Québec à Montréal.


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