Ahmed Benbitour a décidé de se retirer de la course en dénonçant des élections où les urnes ne «seront qu'un leurre et une piraterie légalement soutenue». L'ancien Premier ministre qui a démissionné en 2001 par refus de voir ses prérogatives de chef de gouvernement bafouées par le «cercle présidentiel», dresse un constat implacable de la situation même s'il est formulé avec pondération. Les partisans de la «stabilité» vont sans doute accuser M. Benbitour de tenter une sortie politique purement formelle car il n'a pas réuni le nombre de signatures (il affirme avoir réuni 85.000) ; d'autres lui reprocheront d'avoir entretenu l'illusion que l'on va vers des «élections». Cela n'enlève rien au constat sur le caractère factice d'une élection où le «système» a décidé de proroger, théoriquement pour un tour, le mandat à un président manifestement malade. Le retrait d'Ahmed Benbitour, comme de celui du général Mohand Tahar Yala, qui dénonce la décision d'un «clan» d'imposer la «présidence à vie» ne change en rien la donne. Leur discours de sortie n'est en fait qu'un ralliement à ceux qui estiment qu'il ne s'agit nullement d'une élection mais d'une exacte reproduction de la vieille procédure d'allégeance. Les différents chefs de clans du pouvoir qui se sont affrontés ouvertement, via la presse, ont établi une sorte de «trêve» en validant le 4ème mandat. Cela ne règle pas la crise qui existe au sein d'un régime éclopé et incapable de se projeter sur le moyen terme, mais cela permet de gagner du temps dans l'immédiat. Le «processus électoral» est un exercice vécu comme une formalité destinée à asseoir un crédit minimum pour sauver les apparences. Car ce ne sont pas les discours de promotion de la stabilité des Amar Ghoul et compagnie qui apporteront cette assurance élémentaire. Ni d'ailleurs Louisa Hanoune dont la candidature est ostensiblement un élément périphérique du décor. Ce minimum de crédit n'est fourni que par Ali Benflis, dépeint comme le candidat de remplacement pour le système. De manière abrupte, on peut avancer que la validité minimale à destination externe du 4ème mandat de Bouteflika a besoin d'Ali Benflis pour être, un tant soit peu, opérationnelle. Et tout indique que l'ancien Premier ministre ne fera pas défection au régime et qu'il ira jusqu'au bout de la partition qui lui est réservée. Comme en 2004. Benflis devrait déposer, aujourd'hui, son dossier de candidature au Conseil constitutionnel. Pour le régime - qui ne peut prétendre à un niveau élevé de légitimité -, le service minimum Benflis sera ainsi définitivement assuré. Certes, il y a encore quelques partisans de Benflis qui continuent à «y croire». Le sociologue Lahouari Addi a même dû remonter le moral de certains d'entre eux en suggérant que Abdelaziz Bouteflika pourrait être le lièvre d'Ali Benflis. Mais il faut vraiment une dose massive de «foi» pour adhérer à un tel scénario. En réalité, tout indique que l'on va vers un remake de 2004 avec Ali Benflis en prétendant secondaire de l'électorat traditionnel du régime estimé généreusement à 20% d'un total peu mobilisable. Et cette fraction de l'électorat vote naturellement pour le statuquo pas pour le changement, lourd d'incertitudes. Ali Benflis qui mène une campagne molle et peu offensive ne se donne même pas le moyen d'aller à la rencontre de ceux qui sont choqués par la décision du régime d'imposer le 4ème mandat. Il n'est pas dans cette contestation-là. La configuration politique actuelle consiste donc dans le paradoxe d'une élection où Ali Benflis - sauf survenance d'événements inattendus - n'a aucune chance tout en étant l'unique agent de validation minimale de l'élection. Le message du régime pourrait être : Ali Benflis, perdant annoncé, est trop important pour qu'on lui permette de se retirer. C'est le candidat éprouvé du service minimum électoral du système. Mais, bien sûr, il reste toujours pour Ali Benflis à rêver d'un scénario merveilleux mais ô combien improbable de Bouteflika acceptant de jouer le rôle de lièvre. Mais il est vrai que rien n'interdit de rêver.