La Turquie a érigé un mur en béton, de trois mètres de haut sur sept kilomètres de long, à sa frontière avec la Syrie. Un rempart censé protéger le territoire turc de toute intrusion des jihadistes de Daech. Le gouvernement hongrois a annoncé la fermeture de sa frontière avec la Serbie et le début de la construction d'une barrière anti-immigration. Des murs de fils barbelés pour empêcher les migrants fuyant les conflits au Moyen-Orient d'entrer sur ses terres. Les murs sont de retour, partout où un conflit éclate, où une crise couve, érigé en rempart contre l'ennemi, l'autre qu'on doit empêcher de passer ou de rentrer. Alors qu'Internet a fait du monde un grand village, les pays reviennent à des réflexes mémoriaux, se barricadant de l'extérieur. Si l'un des premiers murs de l'Histoire reste celui de Chine pour se protéger des barbares, les hommes n'ont fait que perpétuer la tradition en Allemagne, entre les deux Corées ou encore à Ceuta et Melilla. Pourtant si ces murailles ont vécu l'histoire, ils ont indéniablement explosé ces 25 dernières années. Si en 1989, le monde ne comptait que 11 murs de séparation, on en dénombre actuellement une cinquantaine disséminée un peu partout sur la planète. Ils sortent de sous terre, imposants, menaçants, assassins, construits aux Etats-Unis d'Amérique pour interdire aux clandestins mexicains de passer. Erigé par Israël pour emprisonner les Ghazaouis dans un semblant de territoire, synonyme d'une guerre interminable entre l'Inde et le Pakistan ou entre la Grèce et la Turquie. Ces frontières physiques voient également le jour dans le désert séparant l'Arabie Saoudite sunnite des Yéménites chiites, consacrant une des dernières colonisations sur terre au Sahara Occidental. Des murs construits pour se prémunir du danger venu d'ailleurs mais aussi pour ne plus voir ce qu'on a commis comme crime contre l'autre. Si l'Europe se barricade contre les migrants, c'est parce qu'elle a mis le feu à leurs pays. L'Irak, la Syrie, la Somalie, la Libye, des Etats démembrés parce qu'un Sarkozy ou un Bush l'ont décidé. Ces façades de béton et de barbelés symbolisent ce qu'il y a de plus tribal et d'instinctif chez l'homme des cavernes même s'il s'habille en deux pièces-cravate et vote à toutes les occasions. Et dire qu'il y a des illuminés bien de chez nous qui ont appelé à la construction d'une enceinte à Ghardaïa entre Mozabites et Chaambas oubliant que le plus infranchissable des murs est celui de l'incompréhension.