CCXIV?me Nuit (Suite) Avant toutes choses, il alla fermer la porte du cimeti?re, que les esclaves avaient laiss?e ouverte; il revint ensuite prendre la dame entre ses bras. Il la tira hors du coffre et la coucha sur la terre qu?il avait ?t?e. La dame fut ? peine dans cette situation et expos?e au grand air, qu?elle ?ternua, et qu?avec un petit effort qu?elle fit en tournant la t?te, elle rendit par la bouche une liqueur dont il parut qu?elle avait l?estomac charg?; puis, entrouvrant et se frottant les yeux, elle s??cria d?une voix dont Ganem, qu?elle ne voyait pas, fut enchant?: ?Fleur de jardin, Branche de Corail, Canne de sucre, Lumi?re du jour, ?toile du matin, D?lices du temps, parlez donc, o? ?tes-vous?? C??taient autant de noms de femmes esclaves qui avaient coutume de la servir. Elle les appelait, et elle ?tait fort ?tonn?e de ce que personne ne r?pondait. Elle ouvrit enfin les yeux; et, se voyant dans un cimeti?re, elle fut saisie de crainte. ?Quoi donc! s??cria-t-elle plus fort qu?auparavant, les morts ressuscitent-ils? Sommes-nous au jour du jugement? Quel ?trange changement du soir au matin!? Ganem ne voulut pas laisser la dame plus longtemps dans cette inqui?tude. Il se pr?senta devant elle aussit?t, avec tout le respect possible et de la mani?re la plus honn?te du monde. ?Madame, lui dit-il, je ne puis vous exprimer que faiblement la joie que j?ai de m??tre trouv? ici pour vous rendre le service que je vous ai rendu, et de pouvoir vous offrir tous les secours dont vous avez besoin dans l??tat o? vous ?tes.? Pour engager la dame ? prendre toute confiance en lui, il lui dit premi?rement qui il ?tait et par quel hasard il se trouvait dans ce cimeti?re. Il lui raconta ensuite l?arriv?e des trois esclaves et de quelle mani?re ils avaient enterr? le coffre. La dame, qui s??tait couvert le visage de son voile d?s que Ganem s??tait pr?sent?, fut vivement touch?e de l?obligation qu?elle lui avait. ?Je rends gr?ces ? Dieu, lui dit-elle, de m?avoir envoy? un honn?te homme comme vous pour me d?livrer de la mort. Mais, puisque vous avez commenc? une ?uvre si charitable, je vous conjure de ne pas la laisser imparfaite. Allez, de gr?ce, dans la ville, chercher un muletier, qui vienne, avec un mulet, me prendre et me transporter chez vous dans ce m?me coffre; car, si j?allais avec vous ? pied, mon habillement ?tant diff?rent de celui des dames de la ville, quelqu?un y pourrait faire attention et me suivre; ce qu?il m?est de la derni?re importance de pr?venir. Quand je serai dans votre maison, vous apprendrez qui je suis par le r?cit que je vous ferai de mon histoire; et cependant soyez persuad? que vous n?avez pas oblig? une ingrate.? Avant que de quitter la dame, le jeune marchand tira le coffre hors de la fosse; il la combla de terre, remit la dame dans le coffre, et l?y renferma de telle sorte qu?il ne paraissait pas que le cadenas e?t ?t? forc?. Mais, de peur qu?elle n??touff?t, il ne referma pas exactement le coffre et y laissa entrer l?air.