Les sites archéologiques algériens continuent d'être la cible de réseaux spécialisés dans le pillage et le commerce illicite de leurs leurs richesses malgré les efforts consentis par les autorités publiques pour protéger le patrimoine culturel et historique de l'Algérie. La collaboration entre le ministère de la Culture et les services de sécurité a permis de récupérer ces dernières années un nombre important de pièces archéologiques, mais le pillage continue en particulier dans l'est algérien, une région riche en sites à ciel ouvert, découverts au XIXe siècle par des archéologues français. Ces sites sont les plus convoités par des "réseaux spécialisés dans le trafic des biens culturels", qui "revendent à des prix très élevés sur Internet des pièces (archéologiques) de plus en plus demandés à l'étranger", reconnaît le directeur de la protection légale et de la valorisation du patrimoine au ministère de la Culture, Mourad Betrouni. Les trafiquants sévissent également à Adrar et Bechar (sud-ouest), deux régions connues pour leur bibliothèques du vieux manuscrit et où "l'on soupçonne la présence de réseaux de trafic de ces biens", affirme de son côté le chef de la brigade de lutte contre les atteintes au patrimoine culturel, le commissaire principal Moulay Achour. Des biens manquent encore à l'appel Apparu il y a plusieurs années, le phénomène du pillage a atteint un seuil inquiétant durant la décennie 1990 où la situation sécuritaire particulière a favorisé le vol de pièces archéologiques rares, exportées illégalement en Europe et dans des pays voisins, estime l'archéologue Amar Nouara. Durant cette période, vingt-deux pièces archéologiques, classées au patrimoine culturel national, ont été volés et seulement trois d'entre-elles ont pu être rapatriées. Disparus du musée de Skikda en 1996, le buste de l'empereur romain Marc Aurèle et la statue de la divinité grecque Hygie (baptisée Aïda) ont été récupérés des Etats-Unis en 2008 et d'Allemagne en 2010, respectivement, alors qu'il a fallut attendre la chute de l'ex-président tunisien Ben Ali pour retrouver la trace du masque de Gorgone, volé la même année du site antique d'Hippone (Annaba). Cette pièce de plus de 300 kg a été finalement restituée par les nouvelles autorités tunisiennes en 2013. Volées à la même époque du théâtre romain de Guelma, les neuf statues en marbre, représentant des divinités et des empereurs romains, n'ont en revanche toujours pas été retrouvées. Des toiles de maîtres ont également disparu de musées publics, à l'exemple de "La Becquée" du peintre français Jean-François Millet, subtilisée en 1985 du musée communal d'Oran et récupérée en 2013. Selon le commissaire Moulay, plus de 4000 objets ont été récupérés entre 2011 et 2014. Il s'agit, révèle-t-il, de "sculptures et de pièces de différentes périodes de l'histoire de l'Algérie que des ressortissants algériens ont tenté d'écouler (sur le marché de l'art) avec la complicité de réseaux internationaux". Failles juridiques, inventaire partiel Pour se prémunir contre le pillage des son patrimoine archéologique et protéger ses biens culturels, l'Algérie s'est dotée d'un cadre juridique à travers la ratification de conventions internationales- comme la convention de 1970 de l'Unesco sur les "mesures pour interdire et empêcher l'importation et le transfert de propriété illicites des biens culturels". Ces conventions ont été complétées par la législation algérienne, à l'exemple de la loi 98-04 sur la protection du patrimoine culturel qui a donné une nouvelle définition au patrimoine culturel. Si elle a le mérite d'exister, cette loi comporte, selon M.Nouara des "failles juridiques". Cet archéologue et coordonnateur des sites et musés de la région est à l'Ogebc (Office de gestion et d'exploitation des biens culturels) estime que le texte ne prend pas en compte la protection des sites non classés au patrimoine national, alors même qu'ils sont les "plus exposés au pillage". Selon lui, le pillage touche également des sites archéologiques "peu protégées", car non inventoriés et situés dans des zones rurales. Déplorant l' "absence d'un inventaire scientifique et opérationnel" de ces sites, il rappelle que "la protection juridique garantit la protection sur le terrain". L'archéologue propose à cet effet la "réactualisation" des inventaires existants en s'inspirant du projet du ministère de la Culture de 2012 concernant 4 sites pilotes (Tiddis, Hippone, Timgad et Djemila). Cette approche permettrait, selon lui, de mieux déterminer la nature et le volume du patrimoine matériel, tout en apportant une protection à travers un inventaire "global et précis", en collaboration avec les autorités locales et avec l'implication des populations dans la protection de ces sites à la valeur inestimable pour la préservation de la mémoire collective.