Selon l'Office national des statistiques (ONS), l'Algérie enregistre chaque année plus d'un million de nouveau-nés. Entamé en 2014, le boum des naissances avait allégrement dépassé 1,06 million à la fin de l'année 2017. Le bond prodigieux du taux de fécondité est en grande partie à l'origine de ce phénomène qui dope la croissance démographique (2,9%) qui tend à redevenir, comme au temps de la décennie 1960, l'une des plus fortes au monde. Ces statistiques n'ont évidemment pas de quoi réjouir puisqu'à ces millions de nouveau-nés que la collectivité doit prendre en charge jusqu'à leur majorité, s'ajoutent, les trois millions de retraités qui ont quitté la sphère productive et les 12 millions de femmes au foyer, elles aussi écartées du monde du travail. De ce fait, seuls 8 millions d'actifs font vivre par leur labeur une population évaluée à 42,2 millions de personnes par l'ONS. Cette dangereuse tendance devrait de surcroît s'exacerber dans les prochaines années, à en croire cet office, qui prévoit une hausse importante de la population dépendante (enfants, hommes et femmes inactifs, retraités, handicapés) en raison de la poursuite des records de nouvelles naissances et d'une espérance de vie plus longue. Un constat qui aurait suscité sous d'autres cieux l'inquiétude des gouvernements et la recherche immédiate de mesures visant à rétablir les équilibres démographiques. Ce n'est malheureusement pas le cas en Algérie, où ces statistiques alarmantes sont accueillies dans l'indifférence. Le boum des naissances a effectivement de quoi inquiéter, car l'économie algérienne tourne, pour des raisons structurelles, à un rythme insuffisant, avec un taux de croissance économique de 3%,qui avoisine celui de la croissance démographique (2,9%). Ces trop fortes cohortes de nouveau-nés compliquent la situation économique et sociale d'un pays déjà gravement empêtré dans d'inextricables problèmes de chômage, de logements, d'insuffisance de places pédagogiques, de santé publique, de désertifications industrielles et agricoles. Un boom démographique qui se produit de surcroît au moment où les recettes d'hydrocarbures, sur lesquelles repose tout le dispositif étatique de prise en charge de la demande sociale, sont en net déclin. Si ce déclin venait, comme il est sérieusement à craindre, à perdurer, les quelques rattrapages réalisés ces quinze dernières années à la faveur de l'aisance financière (infrastructures routières et logements notamment) seront dépassés en très peu de temps eu égard à la très forte demande sociale que va générer l'agrégation des «baby boom» et «papy boom». C'est pourquoi les économistes considèrent à juste raison que l'économie algérienne évoluera dans une échéance proche dans un contexte de plus en plus contraint. L'Etat, qui tient à garder, sans doute pour des raisons historiques, son rôle de promoteur exclusif du développement, devra pour ce faire assurer, à la fois, le «pain quotidien» à une population en constante augmentation et la prise en charge d'une demande sociale additionnelle qui explose. La contrainte financière sera chaque année plus forte, au point que l'Etat soit contraint d'exclure du processus de soutien et de protection une importante frange de la population. Il y a péril en la demeure Faute d'une rente pétrolière à la mesure des dépenses générées par ce surcroît de population assistée, il est dans la logique des choses que les déséquilibres sociaux s'amplifient tout au long des prochaines années. Il faut, en effet, savoir qu'en 2025, la population algérienne dépassera allégrement les 50 millions d'habitants, auxquels il faudra garantir l'emploi, le logement, la santé et la formation. Pour ce qui est de l'emploi, il faudra, à titre d'exemple, créer environ 550 000 nouveaux postes par an pour seulement maintenir le taux de chômage actuel de 11%. Quant à l'habitat, le maintien du taux d'occupation par logement (5,5%) requiert une livraison annuelle de pas moins de 450 000 logements. Une performance que l'Algérie n'a jamais pu atteindre, même avec la contribution de sociétés étrangères. Pour ce qui est enfin de l'éducation-formation, le nombre d'écoles, de collèges, lycées, universités, centres de formation professionnelle nouveaux à construire est tout simplement hors de portée d'un pays qui n'en a plus les moyens. Même constat pour la santé, qui devra uniquement pour se maintenir au niveau de la satisfaction actuelle, mettre en place au minimum 45 000 lits d'hospitalisation supplémentaires, réaliser un millier de centres de santé et former des milliers de médecins et paramédicaux. Il faut ajouter à cette demande sociale incompressible l'alimentation, qu'il faudra, si nos performances productives venaient à stagner à leurs modestes niveaux actuels, importer massivement. Or, notre capacité d'importation dépend, comme on le sait, de déterminants exogènes sur lesquels l'Algérie n'a aucune prise. Il s'agit, on l'a compris, des quantités de plus en plus réduites d'hydrocarbures exportables, des prix très volatiles du brent et de la parité du dollar. C'est dire à quel point la demande sociale risque de s'exacerber au fil des années de crise financière, avec le risque bien réel d'arriver à un point de rupture qui pourrait compromettre gravement la paix sociale.