Né le 8 avril 1930 à Lausanne, Jean-Jacques Deluz avait débarqué presque par hasard à Alger au milieu des années cinquante, tout jeune architecte suisse. Il ne quittera plus cette ville qui le marquera autant qu'il y aura laissé son empreinte, sous le sceau de la rigueur et de la discrétion. Dès son arrivée à Alger en 1956, il collabore au bureau d'architectes de Daure et Béri, puis dans l'urbanisme avec Gérard Hanning à l'Agence du plan d'Alger auquel il succédera en 1959. Une solide formation et une présence affirmée au sein de l'élite moderniste algéroise, avec Louis Miquel, Marc Emery, Roland Simounet et bien d'autres… A l'indépendance, il ouvre son bureau d'architecte et débute en 1964 son enseignement qui se prolongera jusqu'en 1988. Il aura ainsi formé des générations d'étudiants, leur transmettant sa vaste culture architecturale – autant classique que moderne – et la finesse de son analyse de la ville. Architecte et urbaniste, Jean-Jacques Deluz privilégiait une approche volontairement modeste du projet où se mêlaient exigence et respect du site, refus des gestes ostentatoires, soucieux, dans le sillage des leçons de Fernand Pouillon, du territoire et du paysage. Parmi ses projets, il y eut l'extension de l'Ecole d'architecture d'Alger et plus récemment le grand projet de ville nouvelle de Sidi Abdellah, dans les environs d'Alger, projet qui lui tenait particulièrement à cœur et dont il se sentait quelque peu orphelin. Auteur, Alger est demeurée le cœur de ses préoccupations et de sa vie, il lui consacrera deux livres importants qui sont autant de références aujourd'hui : L'urbanisme et l'architecture d'Alger (Mardaga/OPU, 1988) et Alger chronique urbaine (éditions Bouchène, 2001). Dans l'introduction de ce dernier ouvrage, il écrivait : « J'ai vécu à Alger. Chaque endroit de la ville est pour moi porteur de souvenirs, souvent insignifiants mais peu importe : je ne peux dissocier ma façon de « sentir la ville » des plus petits événements de ma vie. (…) Je me suis toujours tenu à distance des ambitions féroces de ceux qui commandent et des tristes illusions de ceux qui obéissent. Je n'ai pas participé à faire l'histoire, mais j'étais dedans malgré moi et quelques échos de toutes les folies qui ont agité Alger sont parvenus jusqu'à moi. » Malade depuis de longues années, quelque peu oublié, Jean-Jacques Deluz continuait auprès de sa compagne, la photographe Magda Taroni, de lire, d'écrire, de peindre et de travailler, fidèle à son credo humaniste, soucieux avant tout de beauté : « Dans des conditions aussi décourageantes, rien n'est plus urgent pour l'homme que la poésie », écrivait-il. Depuis six moi, il corrigeait sans relâche les épreuves d'un volumineux ouvrage à paraître, Le tout et le fragment, recueil de l'ensemble de ses écrits professionnels depuis son arrivée à Alger en 1956. Il est décédé jeudi 30 avril à l'hôpital de Aïn Naâdja. Il sera inhumé demain 2 mai au cimetière d'El Alia.