Avec le second tour des élections régionales en France, le Front national amplifie nettement ses scores du premier tour en cumulant 17,5% des voix dans les douze régions de l'Hexagone où il restait en lice. Lyon. De notre correspondant Au premier tour, il avait obtenu 11%. Une hausse inquiétante qui récupère la crainte sécuritaire que le président Sarkozy avait cru bon d'agiter après l'assassinat d'un policier par un commando basque de l'ETA la semaine dernière. Ce chiffon rouge déployé par la majorité présidentielle aura profité au FN, comme le débat sur l'identité nationale lui avait déjà permis de prospérer. De fait, le FN augmente ses scores, notamment là où existe une forte communauté immigrée, musulmane surtout, et particulièrement algérienne. Dans le Nord-Pas de Calais (Lille-Roubaix) ou en PACA (Marseille), les débordements après les matches Algérie-Egypte avaient servi de terreau fertile à l'extrême-droite. Mais ce n'est pas la seule raison. La propagande raciste se superpose aux vifs problèmes sociaux en raison de la désindustrialisation et de ses conséquences économiques sur le registre : « C'est la faute à l'autre, à bas l'étranger ! » Ainsi, même certains cantons ruraux où l'immigration est faible votent massivement FN. C'est le cas par exemple en Ardèche, patrie du défunt chanteur Jean Ferrat, terre de gauche ces dernières années, et qui a voté à 15% pour le FN dimanche. C'est ce que certains ont nommé « la fracture rurale », propice aux extrêmes, lorsqu'on sait les difficultés du monde paysan, illustrées récemment lors du Salon de l'agriculture à Paris. Au Nord-Pas de Calais où le chômage dépasse le taux national des 10%, Marine Le Pen, véritable thermomètre de la déshérence populaire, est au plus haut. Elle frôle les 22%, même si le président socialiste est reconduit. Au Sud, et particulièrement en région PACA, son père, le vieux leader toujours combatif, dépasse 23% de suffrages. S'appuyant nettement sur le rejet de l'étranger, il a été jusqu'à détourner scandaleusement le drapeau algérien pour une campagne antimusulmane. Si cette affiche a été interdite par le tribunal la veille même du premier tour, l'Algérie était aussi présente tout au long de la campagne électorale sur le dépliant de propagande du FN en PACA qui donne à voir une photo prise pendant… la Bataille d'Alger, en 1957, où on voit l'officier Le Pen sur une terrasse algéroise, en compagnie du général Massu. Lui qui avait été accusé de torturer les Algériens pendant cette période, c'est comme une reconnaissance de ses turpitudes. Avec son score, Le Pen est à moins de dix points de la liste UMP (majorité présidentielle) qui obtient 33%. Le président sortant socialiste, Michel Vauzelle, allié aux écologistes et au Front de Gauche, étant confortablement reconduit avec 44%. En région Rhône-Alpes, le président socialiste sortant, Jean-Jack Queyranne, à la tête d'une liste d'union de la gauche dépasse les 50% des voix, loin devant l'UMP à 35%. Il faut dire que le MoDem, conduit au premier tour par le Franco-Algérien Azouz Begag, avait clairement appelé à voter à gauche. Le Front national ici ne bouge pas avec moins de 15%. Enfin, toujours dans le Sud, en Corse, région remportée par la gauche, la mouvance indépendantiste avec ses deux listes, Femu a Corsica et Corsica libera, fait un score historique, avec un cumul de plus de 35%. Ils seront incontournables pour la constitution d'une majorité exécutive dans l'Île de beauté.