Les participants à l'assemblée générale extraordinaire, tenue hier en fin d'après-midi par la Commission nationale de l'amnistie générale (CNAG), ont tenté de remettre cette structure sur orbite après les derniers remous qui s'y sont déclarés. Mais sans trop y parvenir puisque l'écheveau des désaccords n'est pas définitivement démêlé. Il faut souligner d'emblée que le semblant démocratique qui a caractérisé l'ouverture de la séance et l'enthousiasme soulevé par l'allocution de Abderrezak Smaïl, président de la CNAG, un discours qu'on pourrait qualifier de diplomatique, n'étaient ses banderilles assassines en direction de la presse nationale, ont vite viré au vacarme. « Les écrits tendancieux de certains journalistes ne pourront pas venir à bout de notre détermination... Ils ne nous impressionnent pas », a-t-il martelé sous un tonnerre d'applaudissements. L'ordre du jour devait porter, par ailleurs, sur deux points, à savoir la situation générale de la commission cinq mois après sa création et la mise en place de trois sous-commissions (réflexion, suivi et traitement du courrier). Mais les prises de bec et les désaccords qui ont suivi la lecture de l'ordre du jour ont laissé la place à un grand tumulte. Entre deux bruyantes interventions de membres du bureau national de la CNAG, M. Abderrezak prend la parole pour fustiger ses détracteurs qui, selon ses dires, « ont tort » de lui « avoir déclaré la guerre ». Continuant son réquisitoire contre ses adversaires, dont Nourdine Slimani qui l'a accusé, à tort ou à raison, de s'arc-bouter au PRA pour asseoir son hégémonie sur la CNAG, Smaïl Abderrezak a martelé : « Ce complot est ourdi contre l'idée même de l'amnistie générale, dont le père spirituel n'est autre que le président de la République. » Ben Bella a-t-il tenu réellement une réunion avec la dissidence de la CNAG à l'orphelinat de Bentalha ? Le meneur des débats répond avec ce qui apparaît à ses yeux comme une lapalissade : « Pouvez-vous admettre qu'un ancien Président qui, de surcroît, est au crépuscule de sa vie, se mette dans la course pour le contrôle d'une commission dont la mission prendra fin avec le prochain référendum ? », s'est-il interrogé avant d'informer l'assistance que l'ancien Président est actuellement à l'étranger. Plus loin, l'orateur fait une sorte de mea culpa : « Nous avons, dès le début, ouvert la porte aux opportunistes de tout acabit. Maintenant, le ver est dans le fruit. » Mais faut-il, ou non, exclure les membres qui sont à l'origine de la polémique et qui ont revendiqué, entre autres, la délocalisation du siège de la CNAG ? Un consensus est vite dégagé. Les quatre membres qui gravitaient dans le giron de M. Slimani sont désormais exclus. Néanmoins, à mesure que les « débats » avancent, les propos deviennent plus virulents. « Aujourd'hui, nous allons installer une nouvelle direction », promet le président de la séance, à l'évidence exaspéré par la véhémence des interventions. C'est l'impasse. Les controverses ont pris, dès lors, une autre tournure : direction nationale contre dissidents absents et membres fondateurs contre « arrivistes ». Pour parer au plus pressé, une seule solution se précise : élargir le bureau national de façon à faire entrer (bénéficier ? ) tous ceux qui se bousculent au portillon. Jusqu'à présent, ce bureau était formé de 25 membres. En un laps de temps, son nombre sera porté à 75 « membres permanents ». Pire que le système de cooptation. Il suffit de lever haut le bras pour figurer dans le bureau de la commission. Sans vote ni même prise en considération des dispositions du règlement intérieur ! Dans un climat d'emballement à la limite de l'incontrôlable, la confiance est renouvelée à Abderrezak Smaïl. L'assemblée générale a décidé également de ne plus coller à ses guêtres ni porte-parole ni vice-présidents. Abderrezak Smaïl sera désormais le seul maître à bord. Mais peut-on dire que la Commission nationale de l'amnistie générale a parachevé son processus de restructuration ? Difficile à parier d'autant plus que l'impasse actuelle, de l'avis même des membres de son bureau national, résulte des circonstances opaques de sa mise en place le 2 décembre 2004. En ce sens, la première assemblée générale constitutive, on s'en souvient, avait laissé présager une compétition acharnée, vigoureuse sur le contrôle de cette instance. Mais malgré les premiers remue-ménage, un bureau national et un exécutif ont pu être dégagés. Ces deux organes ont vite fait d'entreprendre une série d'actions qui annonçaient déjà en filigrane ce qu'allait être par la suite la substance de l'amnistie générale. La bataille a été engagée principalement sur deux fronts : la sensibilisation de l'opinion publique et l'élaboration des axes principaux du projet. Mais cette cohérence précaire n'a pas fait long feu. La cohorte d'ambitions et de perspectives contradictoires charriée par la création de la commission a fini par jeter le discrédit sur la commission et ses membres qui se sont enlisés dans des problèmes spéculatifs au lieu de se consacrer à sa raison d'exister.