Une affaire d'escroquerie, impliquant des responsables et des agents de la CNAS au niveau de la wilaya d'Alger pour un montant de plus de 2,5 milliards de centimes, a eu pour cadre le tribunal Abane Ramdane de Sidi M'hamed où elle est passée en délibéré. Le procès a débuté tôt le matin jeudi dernier pour ne prendre fin que le lendemain à 16h avec la condamnation des principaux accusés (le chef de centre, son adjoint et le caissier, qui étaient en détention provisoire depuis pratiquement quatre ans) à des peines allant de 10 à 12 années de prison ferme, alors que le procureur général avait requis la perpétuité. D'autres peines plus légères ont été prononcées à l'encontre d'agents et de correspondants sociaux impliqués dans cette triste affaire. La genèse de l'affaire remonte à 2001 lorsque le directeur de la CNAS d'Alger, M. Derbassi (aujourd'hui retraité) a porté plainte contre les responsables de l'agence de Belouizdad pour détournement après un concours de circonstances extraordinaire qui a déclenché un contrôle. C'est ainsi que l'affaire a éclaté au grand jour mettant à nu les carences de certaines structures de la sécurité sociale du fait de méthodes de travail quasi archaïques. Le chef de centre et son adjoint faisaient la pluie et le beau temps, obligeant des agents à valider de faux documents et les impliquant de facto (à leur insu) dans leurs combines. De l'aveu d'une dame condamnée à deux années d'emprisonnement, elle n'avait aucun moyen de savoir si les ordonnances qui lui étaient remises par son supérieur hiérarchique étaient falsifiées ou pas. Les chèques défilaient à une allure vertigineuse pour atteindre la somme astronomique de 2,5 milliards de centimes. Toutes les ruses et les ficelles étaient bonnes pour détourner de l'argent. L'affaire la plus cocasse (c'est d'ailleurs celle qui a mis la puce à l'oreille d'un responsable de la CNAS qui a alerté la direction) est sans conteste celle d'un dossier de congé de maternité constitué en bonne et due forme avec les certificats médicaux, les congés de maternité..., sauf que la personne concernée (qui n'était même pas au courant) était une jeune fille et célibataire de surcroît ! Une quinzaine d'employés ont payé un lourd tribut pour leur négligence (même si ces derniers n'étaient nullement au fait de ce trafic). Le juge en a décidé autrement en condamnant tous les inculpés à des peines de prison. C'est là le point noir du procès, car ni le juge ni les magistrats qui l'assistaient ne semblaient comprendre le fonctionnement d'une agence de la sécurité sociale. De l'avis d'une personne travaillant à la CNAS, au fait des procédures de travail, si le juge avait été un tant soit peu mieux informé sur la méthode de travail et le cheminement des dossiers médicaux, la plupart des inculpés auraient été relaxés. Ils n'ont été finalement que des boucs émissaires à cause, pour certains, de leur inexpérience. Dans la salle des pas perdus, plusieurs témoins, avant d'être appelés à la barre, ont été sollicités par les avocats de la défense afin d'expliquer au juge les procédures et méthodes de travail, mais hélas ces derniers ont été littéralement tétanisés ! Au lieu d'éclairer les magistrats, ils se sont lancés dans de vagues explications qui n'ont convaincu personne. Le juge a d'ailleurs interpellé l'ex-directeur de la CNAS d'Alger, présent en tant que témoin, sur le fait que le chef de centre n'avait aucun bagage scolaire et encore moins universitaire et était pourtant parvenu à un poste de responsabilité. Le juge a demandé à M. Derbassi comment se fait-il que des gens sans aucune instruction soient recrutés au sein de la CNAS et le directeur de répondre : « Quand on reçoit une requête de la direction générale ou du ministère de tutelle pour recruter telle ou telle personne, on a rarement le loisir de refuser. » Une énième affaire donc qui a secoué le monde de la sécurité sociale où circule chaque jour une masse d'argent faramineuse et qui suscite parfois, malheureusement, beaucoup de tentations. A charge au ministère du Travail et de la Sécurité sociale ainsi qu'à la direction générale de la CNAS de mettre en place une politique de contrôle à même de juguler la fraude et les détournements.