«Relire le passé pour construire l'avenir», le titre du compte rendu du quotidien Liberté serait plus utile à la revue Alger/Paris présenté comme une tentative de ré-enchanter les rapports franco-algériens, que celui choisi «La mémoire et après ?» La mémoire, la boîte de Pandore, et pas seulement entre Français et Algériens ! C'est par le modèle de réconciliation franco-allemand que commencèrent les débats. Alfred Grosser le développa et l'illustra par l'image du bronze, immortalisant Willy Brant à genoux devant le mémorial aux victimes du nazisme. Toute la salle aurait pu être avalée par cette image. Et rouverte la question de la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat français. Car ni le discours de 2005 de l'ambassadeur de France à Sétif, qui reconnaît que la tragédie du 8 mai 1945 était inexcusable, ni celui de Sarkozy, 2007 à Constantine, qui reconnut, lui, que le système colonial était injuste par nature et qu'il ne pouvait être vécu que comme une entreprise d'asservissement et d'exploitation, n'ont été considérés comme une reconnaissance suffisante. On se souvient aussi des grandes manœuvres franco-algériennes sur le projet d'un traité d'amitié lancé par Chirac qui devait sceller la réconciliation des deux peuples. Le président Bouteflika a repoussé le projet en le conditionnant à la simplification des procédures de visa et à l'«approfondissement du travail de mémoire», dira alors le ministre français Douste-Blazy en février 2003. En cet après-midi de janvier sont revenus les mêmes antiennes, visas et mémoire, les deux murs aveugles contre lesquels rebondit la pelote serrée de nos liens paradoxaux avec la France. Pendant ce temps sur FB se déchaînent les accusations des héros de la Bataille d'Alger, pas contre la France, les uns contre les autres. Spectacle pitoyable. C'est à un traité d'amitié entre les Algériens qu'il faudra bientôt penser avant que ne s'accomplisse définitivement le désenchantement de l'histoire et qu'il ne rattrape le présent. Nous y voilà. Primo, Levy dans Être un homme, son récit d'Auschwitz, disait qu'être un homme revenait à être capable d'espérer voir un homme un jour. Quand nous sommes à ce point exposés au désenchantement, la seule chose qu'il nous reste à faire est d'organiser cette attente de voir un jour un homme, un autre homme, un autre pays. C'est ce chemin que semble avoir pris une certaine Algérie qui refuse de participer à l'asthénie générale et qui, contre, vents et marées, construit de l'espoir de Béjaïa avec son bel amour pour le cinéma aux rues d'Alger avec son théâtre de rue, et Akbou et son Etoile culturelle et ses rappeurs, et tant d'autres encore. Ils nous donnent le courage d'attendre.