Dans son livre Constantine, cité antique et ville moderne, paru aux éditions Média-Plus, le géographe français et spécialiste des pays du Maghreb, Marc Cote, note : «Toute ville choisit son site au départ, en fonction de ses objectifs initiaux, et finit un jour par avoir des problèmes avec son cadre, lorsque l'extension urbaine déborde du site initial. De ce dysfonctionnement, Constantine offre un exemple spectaculaire…». Cette réalité vécue par les Constantinois s'est aggravée ces dix dernières années. Des difficultés qui ne sont plus la particularité du centre-ville au milieu topographique escarpé, mais qui se sont étendues même vers les quartiers de la périphérie. Anarchie urbaine, une circulation aussi congestionnée, avec une grande partie du trafic qui converge vers le centre-ville, des difficultés de parking et des embouteillages qui deviennent la hantise des automobilistes. Cette situation est la conséquence directe de plusieurs mutations politiques et sociales que la ville a connues depuis plusieurs décennies. «La ville de Constantine, en dépit des contraintes que lui avait fait subir un découpage administratif clairement discriminatoire, demeure d'abord, au plan des données démographiques strictes, la troisième ville du pays et ce qui, me semble-t-il, singularise sa croissance, c'est la part peu relevée des acteurs sociaux et leurs mobilités. Le premier changement qualitatif de Constantine tient à l'importance de la migration interne qui a vu progressivement les citadins constantinois s'installer dans la ville européenne ; ce mouvement devait épouser et amplifier les objectifs assignés au plan de Constantine de 1958 et consacrer, au lendemain de l'indépendance, une première ligne forte de l'extension de la ville vers l'ouest», affirme Abdelmadjid Merdaci, docteur d'Etat en sociologie et professeur à l'université Mentouri de Constantine. Ce dernier rappelle aussi les études urbaines lancées à la fin des années 1960 et qui avaient projeté un déplacement significatif des populations et de l'habitat sur les hauteurs de Aïn El Bey et l'option dite de «la nouvelle ville», au-delà des objectifs d'éradication des bidonvilles et de l'habitat précaire, et qui «élargit et transforme profondément l'intelligence que nous pouvons avoir de Constantine». «Les effets de conurbation, qui sont au principe de la reconstruction de la fonction métropolitaine de Constantine, redessinent la position de la ville dans l'espace et redéfinissent ses aires d'influence», estime notre interlocuteur. Evoquer l'évolution urbaine de la ville de Constantine implique de faire un rappel historique, un retour à la période coloniale. Selon A. Merdaci, «la colonisation a entrepris, à compter de 1849, la construction d'une ville européenne, formellement interdite aux musulmans et aux juifs. Elle a aussi fait le choix de couper en deux la médina par le tracé de ce qui s'était appelé "la rue nationale". La mutation urbaine de la ville connaîtra quatre visages : la médina, la ville coloniale, la ville algérienne post-indépendance et la nouvelle ville Ali Mendjeli». Mais en somme, et après une longue période marquée par l'exode rural, la ville de Constantine qui a «reporté» son trop-plein de population vers les communes de Didouche Mourad, Aïn S'Mara, El Khroub et Ali Mendjeli ne s'est pas pourtant débarrassée de son fardeau de «carrefour central» devenu trop saturé. Un titre que la ville continue de porter comme une malédiction.