C'est véritablement la politique des petits pas en Libye. Et pour cause, tout est tellement fragile et objet de conflit que le moindre arrangement est salué comme il se doit. L'Europe, en tout cas, y est très attentive et ne manque pas de le faire savoir. Tout comme est brandi encore et toujours le recours à la force comme ultime moyen pour mettre fin à toutes les querelles — et il y en a —, conséquence de l'absence d'Etat voulue par l'ancien régime. Tout cela pour mettre au pas les opposants et aider les récalcitrants. De ce point de vue, le nouveau gouvernement de Fayez El Sarraj peut même se targuer d'une certaine réussite. Après avoir obtenu le soutien de personnalités et d'institutions, il étend son pouvoir avec la prise de contrôle du site internet officiel, où le logo de l'«Etat de Libye-Gouvernement d'union nationale» a remplacé celui du «Gouvernement de salut national» de Khalifa Ghweil, apparemment ultime opposant issu d'un des deux gouvernements qui se sont défaits. C'est davantage un sentiment qu'une réalité encore difficile à évaluer. Tout comme à vrai dire la réalité libyenne, la seule réalité connue étant cette espèce de chaos que personne n'arrive à évaluer. Ce que l'on sait, c'est que ce pays a été profondément divisé entre régions et groupes jusqu'à l'apparition du groupe extrémiste Daech qu'un général américain a relativisée. Selon le chef des forces américaines en Afrique, ce groupe ne semble pas près de réussir à s'implanter en Libye comme il l'a fait en Syrie ou en Irak, restant perçu par les Libyens comme une force étrangère. Il est «possible» que les djihadistes parviennent un jour à contrôler une portion substantielle du territoire libyen, «mais pour l'instant ce n'est pas mon inquiétude», a dit le général, sans toutefois exclure une intervention internationale, mais cela, a-t-il dit, «dépend de ce que le gouvernement d'unité nationale nous demandera de faire». Le processus libyen pourrait être long et comporter des imprévus, comme le suggère l'attitude de pays européens qui craignent, à vrai dire, la réouverture du corridor libyen, autrement dit la vague de migrants vers l'Europe, considéré comme une des routes alternatives après l'accord visant à endiguer le flot de migrants empruntant la route des Balkans. Selon le chef de l'Etat français, «la Libye peut être un chaos et offrir aux passeurs, aux trafiquants de toutes sortes l'occasion de mettre des populations entières en danger et ensuite de faire arriver en Europe, en Italie ou à Malte des dizaines de milliers de personnes». Il y a donc comme une urgence à dissuader un tel mouvement qui vit du chaos et n'attend que le moment approprié, du point de vue climat bien entendu, la simple évaluation des candidats à la migration faisant déjà craindre une nouvelle catastrophe. C'est donc le forcing pour imposer la nouvelle autorité, dissuader les opposants, mais aussi tous ceux qui vivent de la guerre et de la détresse humaine. C'est donc la course contre la montre.