Les réactions des partis politiques et des animateurs de la scène associative locale ou nationale sont timides et se sont confinées essentiellement dans les réseaux sociaux. Des appels à la vigilance ont été partagés avec un slogan qui n'est pas sorti de la sphère virtuelle. «Stop à la violence, Stop au vandalisme !» disait l'un d'eux. Le président du bureau régional du RCD, Mouloud Deboub, a appelé, sur son compte facebook, à rester vigilants et pacifiques, considérant que «la violence est contreproductive» et qu'elle ne travaille que les intérêts du «pouvoir, ses relais et sa clientèle au niveau local». «Les dépassements, les violences, les émeutes, les scènes de saccage, de vandalisme et de pillages, qu'ont connus hier certaines communes de notre wilaya, sont des actes prémédités et orchestrés par certains cercles proches du pouvoir, ces mêmes cercles qui ont lancé des appels anonymes à une grève générale de cinq jours des commerçants», écrit-il. «Nous sommes pour toutes formes de revendication et de protestation pacifiques, identifiées et organisées. Nous sommes pour une transition démocratique, pacifique et négociée. Ces mêmes cercles proches du pouvoir, très présents sur les réseaux sociaux, tentent de nous impliquer ou de nous faire réagir par des provocations», continue-t-il. Sur les accusations de la démission des partis politiques ancrés en Kabylie, Mouloud Deboub répond qu'en tant que militants du RCD ils ne sont «ni des pompiers de ce pouvoir ni des pyromanes assoiffés de sang» et qu'ils sont «des militants, des militants politiques organisés, structurés, identifiés, pacifiques et surtout conscients et responsables, qui se donnent le temps nécessaire d'analyser des situations avant de réagir dans la précipitation». En estimant nécessaire de prendre le temps qu'il faut «pour y voir plus clair», le président du BR lance cet appel «aux citoyennes et citoyens, sensés et responsables : agissons avant que la situation ne prenne une tournure de non-retour et qu'elle ne devienne ingérable !» Mahmoud Rachedi, porte-parole du PST, a considéré hier, dans un commentaire sur son compte facebook, que «les émeutes d'aujourd'hui à Béjaïa et dans d'autres localités, à l'instar de Aïn Benian et Bainem à Alger, répondent à des rumeurs et à des appels anonymes, s'adressant particulièrement aux commerçants et non pas aux travailleurs, aux étudiants et les autres forces sociales organisées. Ainsi, ce ne sont pas les syndicats, les partis, les associations et autres organisations du mouvement social qui sont à la tête de ce mouvement». Pointant du doigt «un mouvement sans organisation, donc inorganisé», Mahmoud Rachedi estime que «ces appels anonymes ne proposent pas des revendications concrètes et précises» et que «la dénonciation de la vie chère est vague. Il n'est pas proposé par exemple le retrait de telle ou telle disposition de la loi de finances 2017». «C'est un mouvement sans programme concret. Un mouvement sans organisation et sans revendications claires ne peut pas réussir», analyse-t-il, reconnaissant que «certes, la situation est explosive». «La cascade des attaques contre le pouvoir d'achat des travailleurs et des pauvres gens est inacceptable. L'explosion du chômage et de la précarité sociale est inacceptable. Leur loi de finances, leur futur code du travail, leur projet de loi sanitaire sont inacceptables. Et la liste est longue. Mais, on ne peut pas se passer de l'organisation et de la clarté du projet», écrit-il. Pour les lui, «les jeunes émeutiers de Béjaïa et d'ailleurs dénoncent le mal-vivre, la misère et l'autoritarisme du pouvoir. Leur violence exprime avant tout leur ras-le-bol et leur désespoir face à la violence économique et sociale de la politique libérale. Bien sûr, on est contre la destruction de nos biens publics, on est contre toutes les violences et toutes les oppressions.» Mahmoud Rachedi suggère qu'il ne faut pas abandonner ces jeunes qui déversent leur colère dans la rue. «Les jeunes qui se battent aujourd'hui, quelles que soient les manipulations réelles ou supposées, ont besoin de nous tous. Nous les militants pour les libertés démocratiques et la justice sociale, nous les militants contre la dictature libérale d'une minorité de riches, nous les militants pour l'égalité et la fraternité entre êtres humains», ajoute-t-il. Sa réaction à cette actualité finit par un appel à construire «une convergence entre ces jeunes révoltés contre l'oppression et le mouvement des luttes des travailleurs et des syndicats, des chômeurs et des femmes» et «l'organisation et le projet politique unitaires qui nous manquent». Toujours sur les réseaux sociaux, le député du PT Ramdane Taazibt a réagi sur son compte facebook : «Nous sommes contre les mesures d'austérité du gouvernement, mais nous sommes résolument contre le chaos. Les émeutes et violences qui ont lieu dans certaines communes de Béjaïa, de Bouira et d'Alger (...) à l'appel d'anonymes et d'usurpateurs n'ont pas comme objectifs de remettre en cause les mesures antisociales du gouvernement. Elles risquent de plonger à nouveau le pays dans un cycle de violence/répression qui ne peut que desservir le pays et les revendications légitimes des larges couches de la population.» Ramdane Taazibt considère même que «les pouvoirs publics doivent faire preuve de responsabilité pour ne pas légitimer ce mouvement par la répression, et les citoyens doivent agir pour démasquer et isoler les provocateurs qui tentent de provoquer le chaos en procédant de la même manière que ceux qui ont organisé le prétendu Printemps arabe qui, à deux exceptions près, a été un processus de dislocation des nations». Appelant à ne pas donner de crédit à ce qu'il appelle des «rumeurs de prétendues émeutes dans plusieurs wilayas», le député évoque «le communiqué lu à l'ENTV, stigmatisant les wilayas du centre du pays». Un communiqué qui, accuse-t-il, «ajoute de l'eau au moulin des aventuriers». Ramdane Taazibt garde espoir que «les pouvoirs publics reviendront à la raison en ordonnant l'annulation des mesures d'austérité, seulmoyen de couper l'herbe sous le pied des pêcheurs en eaux troubles».