Sans les hydrocarbures, l'Algérie figurerait sur la liste des pays les moins avancés (PMA). Le constat est établi par l'économiste Salah Mouhoubi, lors d'une intervention hier au Cercle national de l'armée de Beni Messous, à Alger, aux quatrièmes journées parlementaires (JEP) sur la défense nationale, organisées depuis samedi par le Conseil de la nation sur le thème « La défense économique ». « La survie du pays et donc la sécurité nationale dépendent étroitement d'une seule ressource épuisable et, de surcroît, soumise aux aléas de la conjoncture internationale », a-t-il estimé. La pétrolisation excessive de l'économie souligne, selon lui, l'échec de la stratégie qui devait faire sortir l'Algérie de la dépendance des hydrocarbures. La structure actuelle du produit intérieur brut (PIB) est citée comme exemple de l'aggravation de « la vulnérabilité » du pays. « L'agriculture et l'industrie, les secteurs qui créent la richesse, ne représentent que 13% du PIB ! Pire, les secteurs productifs connaissent une régression », a-t-il relevé. L'Algérie n'a pas réussi, d'après lui, à construire une économie puissante et diversifiée pour la libérer progressivement de la dépendance à l'égard des hydrocarbures. « L'Algérie a accepté la fatalité de devenir un pays rentier, acceptant délibérément de tomber dans le piège de la facilité. En choisissant cette option suicidaire à très long terme, elle n'a pas réussi à réduire ses vulnérabilités », a appuyé Salah Mouhoubi, ancien conseiller à la Banque d'Algérie. Sans les recettes pétrolières, l'Etat, selon lui, ne peut assurer ni son fonctionnement ni les besoins de la société. Cette situation fait que le pays n'est pas à l'abri d'un éventuel choc pétrolier. « L'Algérie n'a pas atteint l'objectif stratégique de sécurité alimentaire. Sans les hydrocarbures, il lui aurait été quasiment impossible de régler la facture des importations », a-t-il expliqué. Pire : l'Algérie est, d'après l'analyse de l'économiste, dépourvue de politique budgétaire rigoureuse « qui se préoccupe de diversifier les recettes et de rationaliser les dépenses ». Il a cité l'exemple de la hausse de 22% du budget de fonctionnement de l'Etat en 2008. « L'Algérie est dépendante de l'extérieur pour se nourrir, se soigner et faire fonctionner son économie. Le solde de sa balance commerciale dépend des fluctuations du dollar, monnaie de facturation des hydrocarbures qui représentent 98% de ses revenus en devises », a relevé M. Mouhoubi, soulignant que les importations algériennes se font à 60% en zone euro. « Or, le dollar n'a fait que se déprécier par rapport à l'euro. Il y a une perte réelle pour l'Algérie qui résulte du cours des changes des deux principales devises », a-t-il ajouté. Cette perte n'est toujours pas quantifiée. Le pays n'a, d'après lui, aucune culture d'exportation, en ce sens que l'Algérie a renoncé à défendre ses parts de marché dans le monde. Proposant une stratégie de développement à moyen terme (jusqu'à 2020), il a estimé possible d'atteindre l'objectif de 25% d'exportations hors hydrocarbures. Il faut, a-t-il suggéré, réduire la facture alimentaire et celle des médicaments. « Pour des raisons de sécurité nationale, l'industrie du médicament devrait connaître un essor », a-t-il noté. Il est nécessaire, selon lui, d'élaborer une politique d'aménagement du territoire, de lutter contre la désertification et maîtriser le problème de l'eau. Emboîtant le pas à Salah Mouhoubi, qui est également conseiller à la présidence de la République, Djoudi Bouras, économiste, membre du Conseil national économique et social (CNES), a relevé l'archaïsme du système bancaire. « De nombreux retards de mise à niveau sont observés et conduisent à un gaspillage important des ressources, favorisant la circulation informelle, découragent l'investissement tant national qu'étranger et font peser des risques sur la sécurité financière », a-t-il observé. Selon lui, les profondes réformes, « dont l'urgence n'est plus à signaler », buttent sur une attitude devenue, de report en report des processus, un blocage insupportable avec une rente « qui permet à l'Etat de maintenir en état de fonctionnement des systèmes cliniquement végétatifs ». Intervenant lors du débat, Mériem Belmihoub Zerdani, ancien ministre, a estimé qu'il faut demander des comptes à ceux en charge de la gestion des finances du pays. « En l'absence de démocratie, l'argent sera toujours dépensé par des enfants gâtés », a répondu un conférencier.