La treizième édition du festival du film amazigh a introduit dans ses sections de présentation de films le doublage en langue amazighe. Le spécialiste de cette technique cinématographique est Samir Ait Belkacem. Il a présenté lundi dernier sa toute récente réalisation. C'est un film américain de grande actualité, captivant une audience mondiale. Il s'agit du film d'animation, « Kiki le Viking 2 ». Il en a conçu le doublage en langue amazighe. Samir Ait Belkacem a travaillé pour l'introduction de cette technique avec de jeunes artistes, issus d'une équipe qu'il a lui-même formée. Il nous en parle... Samir Ait Belkacem, nous avons admiré la qualité de votre doublage pour ce grand film américain « Kiki le Viking 2 ». C'est vraiment l'art de l'illusion puisque les personnages parlent réellement la langue amazighe alors que l'original est en anglais. Comment avez-vous maitrisé cette technique cinématographique ? Merci de votre compliment concernant la qualité du doublage de ce film qui a conquis une audience universelle. La technique du doublage est devenue ma passion. Pour moi, j'ai tout abandonné pour cette activité que je considère d'une importance vitale pour encourager nos sociétés à accroître leur intérêt pour le cinéma, malheureusement en décadence par rapport à l'extension universelle des techniques modernes de la communication dont Internet et la télévision. J'ai une formation de biologiste. Je n'exerce plus cette fonction et je me consacre uniquement au doublage. La technique du doublage demande des compétences particulières. Avez-vous reçu une formation spéciale dans ce sens ? Evidemment, cette technique du doublage exige une formation adaptée, je l'ai suivie avec la plus grande attention au sein d'un institut de formation cinématographique au Canada, le célèbre Technicolor. Dans cet institut, l'étudiant est sidéré par la haute précision nécessaire pour adapter la parole aux acteurs du film. Le temps suspendu aux mouvements des lèvres des acteurs se mesure en fraction de seconde. Pour suivre les cours, j'ai eu l'immense chance de connaître l'illustre spécialiste du doublage de tous les temps, le Russe Nicolov. Il dépasse largement les 90 ans d'âge. Il est étonnement alerte. Nicolov figure parmi les fondateurs et pionniers de l'art du doublage. Il est une école et je ne vous cache pas ma fierté de l'avoir eu pour enseignant. Le doublage donne l'occasion d'élargir l'intérêt porté à des films étrangers. Comment, dans ce cadre, situez-vous le doublage en langue amazighe ? Je réponds à votre question en prenant pour exemple le film que je viens de présenter à cette 13e édition du Festival du film amazigh. C'est une première vision que j'ai réservée spécialement pour ce festival. Vous allez me dire que ce film est un film d'animation destiné aux enfants. Je vous dirais non, car aujourd'hui, les films d'animation s'adressent à tous les membres de la famille car ils véhiculent des messages, des principes et des valeurs. En assurant le doublage de « Kiki le Viking 2 », je m'oriente donc vers un public plus large. Je considère qu'étant le côté universel de ce film dont la version originale est en anglais notre devoir et notre mission est de pouvoir faire bénéficier nos sociétés par une version adaptée à notre identité. C'est ce que j'ai réalisé en effectuant le doublage en langue amazighe. Vous êtes la tête pensante du doublage. Il vous faut une équipe pour mettre en action ce procédé. De qui sont composés les membres de votre équipe ? C'est vrai que pour le doublage une équipe de spécialistes pour représenter les personnages est indispensable. Ces membres sont en général des artistes. Pour cette participation au 13e festival du film amazigh, j'ai tenu à être accompagné par quelques membres de mon équipe dont une chanteuse. Je vous ai dit que pour le doublage, il faut une formation spécialisée continue. Mon premier souci est d'assurer à mon équipe cette formation. A ce propos, j'ai réussi une performance en trouvant une opportunité exceptionnelle de formation. Elle m'est offerte à titre gracieux grâce à une association culturelle d'Algériens au Canada. Par cette voie, je vais envoyer bientôt des membres de mon équipe effectuer un stage au Centre national des arts de la ville de Quebec. Dans cet institut la formation d'un mois s'élève à dix mille dollars par étudiant. Ce montant est pris en charge par cette même association. La technique du doublage n'est pas suffisamment implantée dans notre pays, particulièrement pour la langue amazighe. Connaissez-vous à part le vôtre, d'autres organismes spécialisés dans le doublage dans notre pays ? Mon entreprise a pour nom Double Voice. Je l'ai créée personnellement en surmontant d'innombrables obstacles. Ma fierté se reflète dans la qualité des résultats obtenus. Je le dis en toute humilité. Ma technique du doublage est d'une qualité supérieure, conforme aux standards internationaux. Je garantis cette qualité. Ce milieu du doublage a vu s'ériger dans notre paysage cinématographique national des organismes non spécialisés qui ont inscrit le doublage dans leurs programmes d'activité. Je ne peux que les encourager à effectuer le meilleur travail. Vous nous avez éblouis par la qualité du doublage en langue amazighe dans ce film d'animation. Allez-vous orienter vos activités uniquement vers ce genre de film ou envisagez-vous d'élargir le doublage à d'autres genres comme le documentaire, le court et long métrages ? J'ai déjà réalisé le doublage en langue amazighe de nombreuses productions cinématographiques dans tous les genres : documentaires, court et long métrages. Je me suis dit, en effet, pourquoi ne pas rapprocher à nos sociétés de grands films à vocation universelle. C'est ainsi que le film indou dispose d'une écoute intensive dans nos régions. Pourquoi donc ne pas le rendre accessible chez nous en les doublant en langue amazighe ? Dans la même lignée, je pense aussi aux séries télévisuelles turques. Ces dernières ont une audience extraordinaire chez nous et ce serait rendre service à nos familles que de les doubler en langue amazighe. C'est ce que j'ai l'intention de faire, de réaliser à l'avenir. Une dernière question avant de terminer cet aimable entretien que vous nous avez accordé. Mouloud Mammeri a toujours émis le souhait de voir adapter en langue amazighe son roman en film, ayant pour titre, « L'Opium et le Bâton ». Allez-vous concrétiser ce vœu si cher à ce grand penseur et intellectuel qu'est Da L'Mouloud ? Effectivement, Da L'Mouloud a toujours voulu que son roman adapté en film par Ahmed Rachedi soit parlé en langue amazighe en version originale. Par cette voie, le message transmis par cette œuvre prend toute sa valeur et sa signification. Le film a été réalisé en langue arabe avec de grands acteurs comme Mustapha Kateb, Rouiched, Abderrahmane Rais et tant d'autres aussi. J'ai tout le respect pour la langue arabe support du Saint Coran et d'une grande civilisation. Mais je voudrais encore une fois exaucer le souhait de Da L'Mouloud en m'engageant dans le futur à réaliser une version amazighe de « L'Opium et le Bâton ». Ce sera ma volonté d'exprimer mon hommage appuyé, ma reconnaissance et ma gratitude à l'œuvre immortelle et à la grande personnalité de Mouloud Mammeri. M. Samir Ait Belkacem, encore une toute dernière question si vous le permettez. Si vous devez, en une seule et brève expression, définir la technique du doublage, que diriez-vous ? J'ai la formule appropriée pour cette question. Je vous répondrai que la technique du doublage est l'art de l'illusion. La qualité du doublage est telle que le personnage du film parle effectivement la langue doublée en accord parfait avec le mouvement de ses lèvres et de sa voix donnant l'illusion parfaite qu'il s'exprime réellement dans cette langue. C'est çà l'illusion authentique de la technique du doublage.