Résumé de la 112e partie n Le 4 août 1918, Pierre Monnier se manifeste à sa mère : il a choisi le moyen de l'écriture pour communiquer avec elle. Elle en parle à son mari, elle lui montre le carnet sur lequel elle a noté le premier message de Pierre. «Il parlait et j'écrivais sous sa dictée !» Monnier la regarde avec tendresse. — Tu es tellement obsédée par le souvenir de Pierre… — Tu ne me crois pas bien sûr ! — C'est le désespoir qui parle en toi ! C'est à elle de le regarder avec pitié. — Mon pauvre ami, tu es toujours aussi sceptique ! Singulièrement, elle ne lui en veut pas. En fait, elle reconnaît que ce qui lui arrive est si extraordinaire et que si c'était une autre qui avait vécu ce qu'elle vit, elle n'aurait pas manqué de se montrer sceptique. «Si cela était arrivé à une autre, je n'aurais ressenti, je l'avoue, que méfiance. J'étais, de par mes goûts, si éloignée de tout intérêt occulte, que je ne soupçonnais même pas que ces communications puissent exister, et la pensée d'en être moi-même l'objet me plongeait dans l'étonnement le plus absolu. Mais mon fils semblait trouver cette communication si naturelle que bientôt je m'y habituais aussi.» Les messages vont se succéder. Presque chaque jour, à tout moment, Mme Monnier reçoit l'ordre de prendre de quoi écrire. Et une voix intérieure dictait ce qu'il fallait écrire. C'est ainsi que la mère apprend les derniers instants de son fils. «La mort… Maman, ne la crains pas ! J'en avais peur, malgré moi… je l'ignorais… c'était un visage inconnu que je me représentais voilé de sang. Oui, j'en avais peur ! Mais quand elle est venue, elle avait un clair visage qui ressemblait au tien ! Je me suis endormi dans ses bras ; elle me consolait avec une voix qui avait les inflexions de la tienne. N'était-ce pas la tienne, chère maman, vers qui se tendait toute la tendresse de ma pensée ? Tout cela n'a duré que quelques instants… pas le temps d'avoir peur, je t'assure. Le sentiment de la responsabilité, les décisions à prendre… la volonté de défendre mon poste quoi qu'il puisse arriver… Puis, un grand choc dans la poitrine et dans la tête… comme un coup de poing qui m'aurait empêché de respirer, mais non pas de crier mes ordres à mes hommes… puis un vertige… puis… plus rien ! Pas même le sentiment de la chute. Et soudain, la voix désespérée qui appelait : Pierre, Pierre, mon petit ! Et le réveil complet pour courir vers toi… J'étais là près de toi et de mon pauvre papa, cherchant à te consoler et ne pouvant arriver à te faire comprendre que j'étais près de toi.» Et, dans une autre communication : «Quelle paix ! quelle paix ! quelle exquise impression de paix, de sécurité, de confiance, j'ai éprouvée, lorsque j'abordai au rivage spirituel, après le brusque départ dans l'effroyable tourmente… Chère maman, dis-le à tous ceux et à toutes celles qui, le cœur haletant, songent aux adieux que nous fîmes à la terre… à la terre et à ce bonheur de vivre… dis-le… la mort n'est pas pénible !» Mme Monnier se sent revivre. Son fils, qu'elle croyait à jamais perdu, n'a pas souffert, son fils est heureux ! (à suivre...)