Evolution n Les choses évidemment ont bien changé depuis. Le trabendo du dimanche, le trabendo d'amateur, le trabendo à la petite semaine sont désormais obsolètes. Les trafiquants opèrent à grande échelle aujourd'hui, à l'échelle industrielle, et les moyens qu'ils emploient sont modernes et souvent très sophistiqués. Les marchandises prohibées qui franchissent illégalement la frontière marocaine pour atterrir chez nous, sont convoyées discrètement dans des véhicules banalisés le plus souvent précédés de voitures vigiles qui donnent l'alerte lorsque la gendarmerie installe des barrages de routine sur les grands axes routiers. Le talkie-walkie fait partie de la panoplie habituelle des contrebandiers. Organisés en véritables entreprises, ils possèdent le long des parcours des relais, mais aussi des complices de part et d'autre de la bande frontalière. Ils sont capables, par expérience, de s'adapter à toutes les situations. Fini l'époque où le carburant était acheminé par jerrycans à dos d'âne ou de mulet vers les villages de Nador. Il est évidemment puisé à la pompe comme pour les consommateurs sauf que les véhicules des trabendistes, des J9 pour ne pas éveiller les soupçons, ou des grosses cylindrées telles les Mercédès avec un double réservoir qui peut contenir jusqu'à 100 litres et parfois plus. Ce qui explique pourquoi, par exemple, les stations-service dans cette région sont à sec à partir de midi et les problèmes inextricables que cela pose aux transporteurs. Par ricochet, des touristes, en majorité des émigrés, ont «zappé» l'année dernière pour les mêmes raisons les plages de l'extrême ouest et particulièrement, celle très connue de Marset Ben M'hidi de peur de tomber en panne sèche. Il y a pire dans cette désorganisation de la distribution des carburants imposée par les trabendistes : le nombre de plus en plus élevé d'accidents provoqués par les transporteurs de carburant dans leur course folle pour livrer la marchandise le plus vite possible. Le dernier sinistre en date a eu lieu il y a quelques mois sur une route nationale près de Ghazaouet. A cause de l'empressement d'un de ces tueurs de l'asphalte qui a mal négocié un virage, des dizaines de familles ont été endeuillées ce jour-là. Du reste, la population écœurée et révoltée par le laxisme des pouvoirs publics a investi, dans l'heure qui a suivi, les principales artères de la ville pour dire son ras-le-bol et exiger une meilleure surveillance des trabendistes. Pour échapper à cette route si peu sûre et étroitement surveillée, les contrebandiers viennent d'orienter, depuis un an, leur trafic sur les lignes ferroviaires qui offrent plus de discrétion et moins de contrôle … une première. C'est du reste la stupéfiante découverte qui vient d'être faite à Maghnia où le chef de gare s'est révélé être le premier complice du réseau.