Mohamed, habitant à Raïs, sort ses mains noires des poches de son pantalon crasseux. Tous ses vêtements sont graisseux, son visage et le reste de son corps aussi. C?est un mécanicien ambulant. «J?ai 37 ans et je n?ai jamais eu de carte de vote ! Pourquoi voter. Leurs slogans sont des promesses jamais tenues». Il sourit malicieusement. «Ma seule préoccupation est comment nourrir ma famille et mes deux enfants. Ici, tous les gens sont pauvres. Nous vivotons.» Ses cheveux noirs sont en désordre et sales. Tarek, 19 ans, affirme sur un ton agressif. «Nous n?avons même pas de lignes téléphoniques, elles ont été détournées à Baraki alors qu?elles étaient destinées à Raïs. Nous sommes cloîtrés dans cette cité. Nous devons parcourir 7 km pour trouver un taxiphone à Baraki ou à Sidi Moussa. Nous sommes dépourvus de tout, Ni eau, ni gaz, ni électricité. Le vote ne nous apportera rien.» Subitement, un jeune sort de la foule et s?écrie avant de disparaître :«Ici, nous nous droguons tous, nous fumons des joints. Le vote c?est la dernière préoccupation du moment.» La colère atteint son paroxysme, lorsque les habitants évoquent les dons dont a bénéficié la région lors de la décennie noire, par l?intermédiaire des associations locales. «Nous n?avons rien eu. Ces associations ont détourné les dons. Nous les avons retrouvés sur les marchés d?El-Harrach et de Boumati. Des couvertures, des draps, des vêtements, des chaussures, des aliments, tout a été vendu . Ils se sont enrichis sur notre dos».